Rares sont les ouvrages réellement dignes d’intérêt sur le sujet du labyrinthe, le travail approfondi de Patrick Conty fait ainsi exception. Nous ne pouvons que recommander cette « investigation de la nature du labyrinthe et de sa géométrie » qui permet à l’auteur de démontrer que les anciennes métaphysiques non-dualistes comme le taoïsme et la physique quantique présentent une géométrie semblable.
Problème géométrique, métaphore, mythe, le labyrinthe fait partie de ces universaux qui hantent l’art et la tradition, cependant, « Toute tentative de synthèse de ces différentes interprétations se heurte à des problèmes majeurs. » avertit Patrick Conty. Le labyrinthe reste un mystère tout en provoquant des dynamiques de changements de paradigmes. La référence serpentine ou la présence du labyrinthe dans le tantrisme qui nous renvoie au tissage orientent pourtant vers un affranchissement.
« Lorsque nous acceptons que, dans les mythes, les métaphores et tropes (tours de langage) soient utilisés comme dans une composition musicale, pour introduire des variations enrichissant un thème majeur, la disparité que l’on rencontre entre les significations apparentes ne surprend plus. Elles peuvent être à nouveau reliées par tours et détours, torsions et contorsions, glissements et plissements. On peut visualiser, par exemple, la prison du labyrinthe comme une version pétrifiée d’une danse hypnotique ou rituelle, ou d’une stratégie pour confondre un ennemi. Cette dernière peut être conçue par un esprit malicieux ou insoumis, monopolisant tous les pouvoirs de séduction tandis qu’il nous mène indéfiniment à travers le domaine illimité de toutes les combinaisons et associations possibles ; mais elle peut aussi être conçue par un démiurge ou un sage dont l’intention est de nous guider vers une vérité ineffable tout en la protégeant. »
Pour Patrick Conty, « Le labyrinthe n’est pas un dédale. ». Au contraire, « il représente plutôt la voie menant hors du dédale », voie qui paradoxalement se trouve hors du dédale. L’ouvrage est conçu comme une série de pas à pas explorant l’énigme du labyrinthe, le nœud comme solution, la technique et le chemin, enfin l’image du labyrinthe. Les questions du fil, du nœud et du tissage sont centrales dans ce livre. Et elles sont passionnantes. S’appuyant notamment sur le mythe osirien, l’auteur remarque :
« Le nœud est à la fois le tout, le chemin qui y mène, et le lien qui lie tout. Ainsi, il devient aussi l’archétype du symbole dans la mesure où tout symbole évoque l’essence d’une chose en dégageant ce qui est commun à toutes choses et en révélant une unité fondamentale. Pourtant, on le répétera, le symbole du tout ne peut être confondu avec le nœud qui peut aussi servir de support à d’autres symboles dont la signification sera opposée. De même qu’il existe un nombre indéfini de manières de lier, il y a plusieurs façons de considérer un même nœud, de diviser et de recomposer un symbole. On doit distinguer un nœud dédale (représentant un tout incompréhensible) et un nœud qui englobe le chemin du Logos (représentant l’un ou l’union). Tant qu’on ne découvre pas la relation entre ces deux sortes de nœuds, entre l’un et le tout, le symbole reste obscur. »
Voici qui devrait parler à ceux qui connaissent le sens secret du nœud gordien et la solution véritable trouvée par Alexandre. En faisant dialoguer les mythes entre eux, mais aussi avec les sciences, notamment la géométrie, et les arts, Patrick Conty réussit un tissage aussi singulier que remarquable qui conduit à la queste du centre absolu.
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