Les entretiens de Mazu, maître Chan du VIII 18ème siècle

Mazu (prononcez Matsou) est l’une des grandes figures du bouddhisme chinois. Dans une longue introduction, Catherine Despeux, dont on sait l’excellence, rappelle au lecteur ce qu’est le Chan, ou Tchan, avant et après Mazu. Le mot Chan traduit le sanskrit dhyâna, qui désigne, nous dit-elle « un état de grande absorption de l’esprit ». C’est aussi « l’une des six pâramitâ, c’est-à-dire des six attitudes d’esprit ou six moyens qui permettent de passer de notre rive du samsâra (transmigration) à celle du nirvâna (grande extinction). »

Les découvertes des dernières décennies et particulièrement les milliers de manuscrits des grottes de Dunhuang ont permis de clarifier l’histoire du Chan et de Bodhidarma, interrogeant ainsi les discours traditionnels comme de mieux cerner le Chan de Mazu.

Catherine Despeux se fonde sur les écrits de Zongmi (780 – 841), autre grande figure du Chan :

« Zongmi distingue trois courants du Chan : 1) le courant qui enseigne la cessation des illusions et la culture du cœur ; 2) le courant de l’annihilation absolue, qui serait celui de Senshui, du Tiantai et de Mazu, bien que ces maîtres, ajoute Zongmi, ne considèrent pas cela comme leur doctrine principale ; 3) le courant de la découverte directe de la nature du coeur. Dans la Préface au recueil sur les différentes origines du Chan, Zongmi énumère cinq sortes de Chan correspondant à cinq catégories de pratiquants : le Chan des hérétiques, le Chan de l’homme du commun, le Chan du Petit Véhicule (des bouddhas pour soi), le Chan du Grand Véhicule (des bodhisattavas) et le Chan du Véhicule Suprême (des bouddhas), c’est-à-dire le « Chan de la pureté de l’Ainsi-venu (rulai qingjing chan). Ainsi alors que Shenhui, dans son sermon retrouvé parmi les manuscrits de Dunhuang, opposait le Chan de la pureté au Chan de l’Ainsi-venu, Zongmi les réunit en un seul Chan : celui de la pureté de l’Ainsi-venu. » La traduction des Entretiens de Mazu proposée par Catherine Despeux est basée sur la version de Sijia yulu (Entretiens des quatre écoles). Catherine Despeux met en évidence toutes les difficultés d’une telle traduction.

Extrait à propos du Cœur :

« Tous les dharma sont le dharma du Cœur. Tous les noms sont les noms du Cœur. Toutes choses naissent du Cœur, le Cœur est la base des dix mille choses. Il est dit dans un soûtra : « Qui connaît le Cœur et parvient à l’origine est dénommé auditeur ». Tous les noms sont égaux, toutes les significations sont égales, toutes les choses sont égales, elles sont l’Unité pure et sans mélange. Si l’on demeure à chaque instant libre au sein de l’enseignement, l’on se tient dans le domaine absolu (dharmadhâtu) et tout est alors le domaine absolu, l’on se tient dans l’ainsité et tout est l’ainsité. Si l’on se tient dans l’Absolu, toutes les choses sont l’Absolu, si l’on se tient dans le phénoménal, toutes les choses sont le phénoménal. Que lorsque les éléments s’élèvent, l’Absolu et le phénoménal ne soient pas distincts. Si l’on parvient à ces merveilles sans quitter l’Absolu, tout n’est alors que le changement du Cœur. »

L’enseignement non-dualiste, direct, de Mazu traverse les formes et cherche à faire jaillir l’évidence de l’éveil. Les représentations dissoutes, la place se libère, toute la place.

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