Grégoire Brissé propose dans ce livre un double regard sur l’œuvre de Fulcanelli, un regard traditionnel porté par son expérience de l’Alchimie en laboratoire et un regard tout à fait orignal concernant une vision politique et métapolitique du monde que Fulcanelli aurait inscrit dans ses métaphores architecturales.
L’architecture est donc ici à la fois le véhicule d’un enseignement alchimique et celui d’une pensée politique à la recherche de solutions aux grands problèmes qui minent l’expérience humaine, individuelle et collective.
Dans son introduction, Grégoire Brissé note le risque de se retrouver confiner à « tourner de symbole en symbole » dans une boucle sans fin, en raison de l’absence d’intention claire et d’orient bien défini, d’autres diraient de verticalisation ou d’axialité. Notons que cette remarque nécessaire et sage vaut pour d’autres domaines que l’Alchimie.
Grégoire Brissé propose de briser ce cercle infernal pour rendre vivant, opératif, ces symboles. Il suggère de prendre en considération les indices, et parfois davantage que des indices, laissés par Fulcanelli quant à sa méthode, à la croisée de l’architecture, de l’histoire et des langues.
Les clés langagières portées par la pierre sont polyglottes, nous dit-il.
« Taillées par des êtres éclairés, elles en portent tous les attributs. Elles sont érudites et parlent le grec ancien, de même qu’à l’occasion elles peuvent s’adresser à l’investigateur « de science » en latin ou encore en hébreu. Mais si elles sont aussi savantes, elles ne dérogent point à s’exprimer en un plus vert langage : elles parlent également l’argot ! Et, non sans stupéfaction, nous allons découvrir qu’elles entendent l’allemand. »
Grégoire Brissé nous introduit ainsi à une lecture ésotérique, voire plusieurs, du message profane immédiatement accessible dans la pierre ou le bois sculpté. Cette double lecture est qualifiée par Fulcanelli de « diplomatique » et permet de s’affranchir des temporalités dualistes pour approcher l’absolu.
La première partie de l’ouvrage, L’élixir, reprend les chapitres de Mystère des cathédrales et des Demeures philosophales, pour en extraire les passages les plus importants relatifs à la préparation de l’Elixir en laboratoire. Cela conduit le lecteur à Paris, Amiens et Bourges, pour visiter nos cathédrales puis quelques demeures philosophales de Lisieux, Dampierre-sur-Boutonne, Nantes…
La deuxième partie de l’ouvrage, la plus développée, intitulée La diplomatie, l’or physique, traite de la diplomatie, de l’art de gouverner.
« Et l’Alchimie dans tout cela ? interroge Grégoire Brissé. Nous le comprenons bien, elle va devenir aussi élaborée que le sera cette diplomatie souveraine. Certains s’y briseront les dents, tel fut le cas du trop célèbre Jacques Cœur. D’autres en auront eu un héritage pour ainsi dire direct, c’est là l’histoire de la dynastie Berthelot. Mais, entre-temps, nous aurons à examiner des situations, apparemment étranges, c’est-à-dire le sort de ces alchimistes diplomates de la Renaissance, comme le furent un Blaise de Vigenère ou un Limojon de Sainte Didier. Nous serons alors à même de saisir l’intérêt qu’ont présenté pour Fulcanelli ces deux domaines renaissants, qu’ont été Coulonges-sur-l’Aurize ainsi que Dampierre-sur-Boutonne, en établissant le lien direct qui les relie, et qui les relièrent au pouvoir royal. »
Cette approche diplomatique s’exerce dans les deux sens, voire dans tous les sens. Certains extraits font références à la pratique alchimique en laboratoire et à l’art diplomatique, l’une éclairant l’autre et réciproquement. Une autre boucle dont il convient de s’affranchir.
Le propos de Grégoire Brissé est très précis, de cette précision dont ne se départissent jamais les horlogers du Réel. Une seule lecture sera insuffisante à saisir les subtilités du texte. Mais cela, les étudiants des arts traditionnels le savent déjà.
Source: La Lettre du Crocodile