Jean Robin propose un ouvrage très personnel sur René Guénon dans lequel il dépose ses propres pensées, dissimulé derrière un René Guénon sans doute éloigné de la réalité.
On ne peut reprocher toutefois à Jean Robin de vouloir sortir René Guénon d’un guénonisme figé et étroit. Il dit avoir souffert de l’opprobre de ces guénoniens qui se font juges. Il n’est pas le seul, pensons par exemple à Gelu Voican-Voiculescu qui, en Roumanie, s’est vu reprocher violemment une lecture non sectaire de René Guénon.
René Guénon s’est beaucoup trompé, sur le Régime Ecossais Rectifié, sur Carl G. Jung, sur Louis Cattiaux, sur le shivaïsme… beaucoup trop sans doute ce qui ne l’a pas empêché de marquer son époque. Son influence est aujourd’hui cantonnée à quelques cercles traditionnels. Jean Robin voudrait dégager l’œuvre de René Guénon de ses aspects formels, des « littéralismes », pour identifier une structure indépendante des cultures traditionnelles.
Il y a dans ce livre quelques idées intéressantes qu’il faut extraire des considérations plus personnelles de l’auteur, par exemple sur la Tradition primordiale qu’il dégage de toute forme d’élitisme :
« En réalité, la véritable Tradition primordiale n’était nullement réservée au sacerdoce et à la royauté, mais concernait l’humanité de l’Âge d’Or, dans laquelle les distinctions de caste n’existaient pas. Cette sagesse originelle qui permet de s’évader de notre prison spatio-temporelle – fût-elle repeinte aux couleurs d’un « paradis » religieux – était en effet le privilège de tous les hommes, pour une raison que l’on va immédiatement comprendre. Selon un paradoxe dont on peut mesurer l’ironie, c’est la science moderne qui nous apporte à cet égard l’explication la plus éclairante. »
Jean Robin va puiser dans la recherche scientifique en génétique ou en sciences quantiques des pistes intéressantes sur la langue originelle, les possibilités de réintégrer notre état primordial, ou les dangers de l’intelligence artificielle.
Il s’intéresse par maints détours aux puissances serpentines et à leur verticalisation. On appréciera les références à Léon Bloy ou Cesare de la Riviera. Son approche de « la voie de la main gauche » est sans doute prise dans des représentations obsolètes et n’échappe ni à une mythification stérile ni à la mystification entretenue par certaines écoles qui se prétendent hermétistes.
L’ouvrage fourmille de références littéraires ou traditionnelles, des khazars dont il est bon de rappeler la fonction, à Bram Stoker, qui masquent difficilement l’absence d’une pensée réellement orientée. René Guénon ne se retrouverait sans doute pas dans ce livre qui le commente pourtant abondamment. Nous avons l’impression que Jean Robin, qui a cependant de bonnes intuitions, gagnerait à écrire sans se référer à quiconque et sans prétendre dévoiler quoi que ce soit.
Source: La lettre du crocodile