Nouveau volume de la très belle Collection Renaissance Traditionnelle, ce livre intéressera tant par son contenu que par sa présentation élégante et son iconographie choisie.
Il est étonnant de constater la place importante que Saint-Domingue (colonie française devenue indépendante sous le nom d’Haïti en 1804) prend dans l’histoire maçonnique de manières diverses (songeons à Martines de Pasqually notamment). C’est le cas pour l’Ancienne Maçonnerie d’York. En effet, note Pierre Mollier, les Frères de Saint-Domingue sont les premiers Maçons français à pratiquer « un autre type de cérémonies pour les trois premiers grades : le rituel des « Antients ».
Cette Franc-maçonnerie, née en Angleterre au XVIIIème siècle, reste ignorée des Frères français. Elle sera par son influence l’une des sources importantes du Rite Ecossais Ancien et Accepté.
La première partie de l’ouvrage relate l’histoire de l’Ancienne Maçonnerie d’York à Saint-Domingue et à Paris. Au XVIIIème siècle, Saint-Domingue est appelée la « Perle des Antilles » et est florissante. C’est un centre important de commerce international. « En métropole, signale Pierre Mollier, les richesses produites par Saint-Domingue font vivre un million de Français dans le négoce ou les ateliers de transformation. Les Européens, attirés par les richesses de l’île d'Hispaniola où se trouve Saint-Domingue, apportent dans leurs bagages la Franc-maçonnerie dès 1740. On compte au moins vingt loges pour 31000 colons blancs, sous l’autorité de la Grande Loge de France puis à partir de 1773 du Grand Orient de France.
C’est en fait par une alliance maçonnique franco-américaine que le Rite des « Antients » arrive à Saint-Domingue, plus exactement par la Grande Loge de Pennsylvanie. Nous sommes en décembre 1789, une loge des Maçons « Antients » s’installe sous le nom de La Réunion des Cœurs Franco-américains.
Pierre Mollier reconstitue en détail cette histoire locale qui aura des répercussions en métropole avant de publier dans la deuxième partie les rituels de l’Ancienne Maçonnerie d’York, ceux des grades symboliques et un probable rituel de « Royal Arche » des « Antients ». Enfin, il poursuit par une étude de la Maçonnerie de la Marque à Saint-Domingue.
Divers documents en fac-similé complètent ce travail de recherche d’autant plus remarquable qu’il porte sur une période très courte, moins d’une génération, traversée par les bouleversements de la Révolution française.
Dans sa postface, Jacques Oréfice retient trois points importants de cette étude dont un en particulier :
« Les hauts grades su Rite Ecossais Ancien et Accepté résultent d’une filiation française avec la formalisation qu’en fit Etienne Morin, en 25 degrés d’abord à Saint-Domingue puis à Kingston (Jamaïque) et ensuite celle que les Franco-dominicains et les Américains de Charleston réalisèrent en 1801 en 33 degrés… »
Un grand intérêt de cette étude est aussi de mettre en évidence que le travail des loges, sur le terrain, peut être bien plus riche et déterminant que les jeux obédientiels.
Source: La lettre du crocodile