La grâce à l’approche de la mort de Katheen Dowling Singh

Kathleen Dowling Singh (1946-2017) s’appropria à la fois la psychologie transpersonnelle et les traditions spirituelles pour se spécialiser dans l’accompagnement des personnes en fin de vie. Prolongeant le travail d’Elisabeth Kübler-Ross, elle traite dans ce livre de « l’intime relation qui existe entre mourir, la pratique de la contemplation, et l’épanouissement spirituel ».

« La mort nous dit-elle, capture notre attention et la ramène au présent. Et grâce à cette présence, automatiquement et naturellement, apparaît la guérison. La maladie en phase terminale n’a aucune issue – à part le suicide. Il n’y a pas d’échappatoire possible. Cette condition accapare toute notre attention ; elle impose la pleine conscience. Pour beaucoup d’entre nous, c’est la première occasion pour regarder à l’intérieur de soi. »

Son expérience d’accompagnement des mourants lui a donné une matière appropriée à la recherche :

« Ce travail de recherche, dit-elle, reconnaît trois principes en rapport avec l’expérience de l’approche de la mort et sa signification dans une existence humaine :

- Premièrement, la fin de vie peut sans aucun doute être un moment de transformation, un moment où l’on passe du sens de la tragédie au sens de la grâce vécue.

- Deuxièmement, l’expérience de l’approche de la mort apparaît comme un moment de profonde signification dans le cheminement humain ; un moment qui, en lui-même, semble offrir une transformation au niveau spirituel. (…)

- Et troisièmement, nous proposons de concevoir la fin de vie d’un être humain comme un moment d’« absorption » reflétant le fait que l’âme revient intégrer l’unité dont elle est issue originellement. »

Il est très intéressant que les étapes qu’elle distingue dans ce procès correspondent à la démarche initiatique : « elles partent des niveaux de conscience prépersonnels, passent à travers des niveaux de conscience personnels, puis aboutissent dans une conscience transpersonnelle qui réalise son identité avec l’êtreté ».

Il s’agit bien d’un chemin de retour qui fait écho aussi bien au retour en Ithaque d’Ulysse qu’au ressouvenir d’Hermès ou à la réintégration chez Martines de Pasqually, sans oublier Jung. En effet le chemin du retour suit le processus suivant : « Intégration de l’ombre et de la persona – Intégration de l’esprit et du corps – Entrée dans les univers transpersonnels – La conscience une ». Méditation, retrait, isolement, présence, silence, lâcher-prise… font partie de ce chemin qui nous plonge dans le creuset alchimique de souffrances diverses, physiques et psychiques, jusqu’à l’expérience de la grâce, du chaos à l’abandon dans la transcendance.

Kathleen Dowling Singh aborde également l’expérience de l’accompagnant car, par un effet de miroir, accompagner une personne en fin de vie, ouvre aux dimensions du mystère de la mort. Loin de nier les difficultés d’un tel parcours, elle en éclaire toutes les dimensions et notamment cette terrible solitude, cette peur première et ultime qui par renversement pointe vers l’unité.

En annexe de ce livre, l’un des meilleurs disponibles en langue française, sur le sujet, nous trouvons deux outils intéressants, la cartographie soufie des niveaux de conscience qui peut s’appliquer aussi bien aux étapes vécues dans une vie de plus en plus consciente que de manière condensée en fin de vie. Ceci pourrait indiquer que notre vie n’est qu’une préparation, plus ou moins réussie, voire une répétition, de nos derniers moments. L’autre outil est l’échelle d’évaluation de performance de Karnovsky, extrait du Manuel d’Oxford de médecine palliative, qui permet de mesurer l’impact de la détérioration due à la maladie en phase terminale. Kathleen Dowling Singh interroge cet outil qui se cantonne à la perspective médicale. Elle compare alors plusieurs modèles, soufi, de Washburn, de Wilber et de Karnofsky.

Elle nous invite à créer « l’environnement et les conditions qui facilitent le mouvement à travers les transformations de la fin de vie. Il nous reste à souhaiter que ce livre contribue à rompre le carcan de préjugés qui étouffe la France sur le sujet de la mort et qu’enfin, à l’instar de nos amis belges, nous puissions aborder sereinement cet accompagnement et la possibilité de l’euthanasie.

Source: La lettre du crocodile  

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