Dans la confidence du souffle

Il est toujours difficile de rendre compte de ce genre d’ouvrage basé sur une rencontre exceptionnelle. Eva Ruchpaul est une figure du petit monde du yoga en France et au-delà. En 1970, elle fut parmi les premiers enseignants de yoga à ouvrir une école.

Depuis, elle n’a cessé de développer son enseignement. Colette Poggi nous est bien connue pour ses travaux exemplaires sur le shivaïsme non-duel du Cachemire et sur le sanskrit.

Les propos entre ces deux esprits puissants sont très libres, touffus, explorent de nombreuses directions sans cependant se perdre ni perdre le lecteur attentif. Derrière les paroles parfois provocatrices d’Eva, une profonde sagesse émerge. Exemple avec ce que le yoga est ou n’est pas, voici la réponse d’Eva Ruchpaul :

« Il n’est pas une gymnastique ni corporelle, ni techno-spirituelle, comme on dit aujourd’hui, car il s’agit en essence d’un exercice de conscience. Je me considère comme une yoginî-artisane ou une jardinière.

Un bon jardinier sait qu’il faut un certain temps pour laisser germer ce qui a été planté en terre, à quoi bon tirer sur les carottes pour qu’elles poussent plus vite ? D’après mon expérience, pratiquer une fois par semaine suffit, point de répétition intempestive mais un échange « épistolaire » hebdomadaire : on envoie des signaux, on écoute les réponses, les échos, les résonances.

Tout enseignant sait l’invisible effet de l’imprégnation : après une absence, on remarque parfois la transformation silencieuse qui s’est opérée dans la manière de pratiquer. Dans le yoga, « ça travaille » sans nous, comme la nuit. Il faut accorder la plus grande valeur à cette jachère du non-agir, bénéfique et efficiente. Si l’on souhaite faire, agir, d’accord. Je recommanderais alors la corde à sauter, un sport très complet. »

Après avoir introduit le lecteur à cet « improbable voyage » qu’est le yoga, les échanges se portent sur ce que peut le corps. Eva Ruchpaul parle de « charnelle compétence » :

« Seul le chercheur véritable qui, tel un sourcier, s’est risqué sur les chemins du corps, peut découvrir une richesse souterraine, les potentialités cachées, ignorées, et boire l’eau de la source qui étanchera la soif.

De corps inculte, il deviendra corps fertile. De l’opacité, il ira vers la limpidité et la sobriété. Comme lorsqu’on jardine, il faut regarder, chercher, respecter les saisons, il en va de même du corps. J’appelle cette aptitude la « charnelle compétence ». »

C’est ce rapport modifié au corps qui donne accès au souffle et à l’esprit. La deuxième partie des entretiens aborde le souffle, les jeux du plein et du vide, l’art du non-agir et conduit dans la dernière partie à la découverte de la Conscience-énergie et « sa saveur originelle de liberté ».

« Je ne peux que louer les vertus de l’instantané nous dit-elle, de l’improvisation. On s’ébat sur le terrain de l’expérience pure car cette liberté seule met en éveil, stimule, suscite une vigilance unifiée, multidirectionnelle. Cette qualité de l’esprit, on peut la nourrir, en gardant la conscience de baigner dans le champ de la Vie, une et indivise. Cette conscience-énergie est savoir-être, intelligence de la vie toujours nouvelle, et je peux bien l’avouer : l’essentiel, je l’ai improvisé, et j’improvise toujours ! »

Ce livre nous propose un itinéraire, non balisé mais parfaitement orienté, du corps à l’émerveillement.

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