Se souvenir du futur par Romuald Leterrier & Jocelin Morisson

Philippe Guillemant, qui préface le livre, nous a longuement parlé dans ses ouvrages des rétrocausalités quantiques. En son temps, le padre Vieira expliquait qu’il était plus facile de connaître le futur que le passé et les courants psychologiques dits de « troisième voie », comme l’approche stratégique de Paul Watzlawick, connaissent les causalités futur-présent.

Ce qui est nouveau, nous dit Philippe Guillemant, c’est ce qu’avancent des physiciens contemporains comme Matthew Leifer, Huw Price, Yakir Aharonov, Holger Bech Nielsen, dans les pas d’Albert Einstein :

« Si cette nouvelle vision spatiale du temps, explique-t-il, n’atteint toutefois pas encore un véritable consensus en physique, au point de sensibiliser le grand public ou la politique, ce n’est pas tant faute d’arguments en sa faveur – lesquels abondent de toute parts – que parce qu’elle se heurte à l’inertie d’un système enfermé dans des dogmes qui perpétuent l’ancienne croyance, celle d’un temps qui présiderait à la création dans le présent de notre futur immédiat.

Si l’on sait au contraire, relativiser ces dogmes, alors la physique toute seule nous conduit devant l’évidence que notre futur ne nous attend pas pour se structurer en notre absence, et la seule question qui subsiste réellement est de savoir dans quelle mesure il pourrait ne rester que partiellement configuré, et donc encore susceptible de nous laisser une part de libre arbitre. »

Au passage, Philippe Guillemant donne une définition de l’esprit qu’il convient de relever : « une structure d’informations plus ou moins autonome et appartenant à l’invisible (dans un sens élargi au vide lui-même), qui jouerait un rôle aussi important dans la construction du réel à partir du futur que celui des tourbillons, tornades ou cyclones dans notre météorologie quotidienne. J’entends don ici un rôle essentiellement « dynamique » qui serait relatif à une mécanique atemporelle de l’espace-temps, qui pourrait être décrite par une physique du futur ayant appris à modéliser son évolution hors du temps… »

Romuald Leterrier est chercheur en ethnobotanique, spécialiste du chamanisme amazonien. Jocelin Morrison est journaliste scientifique. Leur association débouche sur une proposition à la fois originale et passionnante qui bouleverse le rapport à la conscience.

Leur travail est essentiellement pragmatique. La compréhension des synchronicités, rétrocausalités, archétypes, mouvements de la conscience visent essentiellement à transformer l’individu et la société. Il ne s’agit pas cependant de développement personnel mais bien de « transpersonnel », évoquant le processus d’individuation de C.G. Jung. Bien entendu, nous croisons à maintes reprises les démarches des philosophies de l’éveil ou des métaphysiques non-duelles notamment dans la nécessité de s’extraire des conditionnements :

« Ainsi, nous disent les auteurs, la conscience du moi exerce une influence intentionnelle qui densifie les potentialités futures. Cette conscience doit simultanément se rendre disponible au fait que le futur puisse ouvrir des voies vers ces potentialités, grâce à la rétrocausalité, ce qui rend possible l’apparition de coïncidences signifiantes que l’on appellera « synchronicités ». Cette disponibilité de la conscience du moi implique un relâchement des liens entre le moi et la conscience automatique et instinctuelle liée au corps. La ligne temporelle de la conscience du moi est ainsi déviée de ses automatismes en se rapprochant de sa raison d’être, qui correspond à la conscience du Soi. Il y a alors ouverture d’une voie non causale par commutation de ligne temporelle vers une ligne « supérieure », et on peut dire que le Soi a fait sortir le moi de son conditionnement. Si ce détachement n’intervient pas, la conscience suit une ligne temporelle inférieure, conditionnée, qui sera celle de l’ego, proche d’une conscience « robotisée » qui croit à tort disposer d’un libre arbitre. »

L’un des objectifs, éminemment pratique, est la maîtrise du hasard par l’intention. « Le hasard est un intermédiaire entre la volonté de la conscience et la densité de la matière. Le hasard n’est pas un déchet, avertissent les auteurs, il est, en fait, le véritable gouvernail du réel. »

Au sein du continuum espace-temps, l’intention est moins un désir qu’une recherche de destination. Cela évoque le « vouloir » de certaines traditions. Pour les auteurs, « par le biais de sa cognition extratemporelle et via un détour hors espace-temps, la conscience rétrocausale peut informer et agir sur un système aléatoire dans le passé, créant ainsi des synchronicités et un ensemble d’informations qui seront cohérentes dans le futur et vérifiables ».

Romuald Leterrier et Jocelin Morrison prennent le temps d’expliciter avec clarté la conscience rétrocausale, c’est l’un des grands intérêts de l’ouvrage, avant de nous inviter à « naviguer avec notre conscience dans l’espace-temps flexible » et à créer volontairement des synchronicités.

Le paradigme n’est plus causal. Il s’agit d’un paradigme de sens qui déploie la liberté créatrice. Les auteurs font le lien avec des systèmes comme le yi-king et les guérisons qui font sens quand on prend en compte la rétrocausalité.

« La rétrocausalité, nous disent-ils, nous libère du temps linéaire, mais aussi d’une soumission au hasard aveugle. En ce sens, elle s’inscrit dans la lignée de grandes traditions libératrices. »

En appelant à la mise en œuvre de « collectifs de rétrocognition », les auteurs veulent contribuer à une conscience collective globale et à l’actualisation de futurs plus harmonieux et créateurs.

Source: La lettre du crocodile  

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