Aphélie suivi de Noctifer de Frédéric Tison

Vous vous souviendrez sans doute du puissant Dieu des portes, prix Aliénor 2016. Frédéric Tison nous conduit de nouveau aux limites de l’être, là où tout se joue, là où tout demeure, dans une queste impossible et dont l’impossibilité même permet son actualisation. Les deux livres rassemblés ici se font miroirs.

« L’aphélie, précise-t-il est le nom donné à ce point de l’orbite d’un corps céleste le plus éloigné du Soleil – J’offre aujourd’hui ce nom à tout lointain, et d’abord à celui qui est en chacun de nous, à l’ombre du monde que nous hantons. »

« Noctifer (qui a nom aussi Vesper), complète-t-il est l’étoile du soir – C’est le porteur de nuit ; il se distingue de Lucifer, l’étoile du matin, le porteur de lumière – l’un des anciens noms de Jésus, mais aussi l’un de ceux dont on affubla l’ange déchu. Noctifer se lève dans l’heure où nous sommes les plus seuls ; il nous parle parfois, si nous prêtons l’oreille. »

C’est donc un enseignement de la nuit que délivre Frédéric Tison. Avec lui, nous apprenons que la nuit offre bien davantage à voir et percevoir que le jour. L’incertitude favorise les visions, les plongées et les contre-plongées, les biais perceptuels inédits ou audacieux. Le risque est majeur et de chaque instant mais le jeu en vaut la chandelle. Des éclairs laissent apparaître des paysages somptueux et révèlent des avoirs oubliés.

PLUS HAUTES QUE MOI, tes nuits –

Avec lesquelles tu reviens, dont tu es plein,

Dont les ailes sont d’argent, légères dans tes mains,

Avec des sources noires – Avec

Tes pesanteurs, tes crasses, tes larves

– Tu les nommais amour, oiseau, esprit !

Ainsi tu reviens, ainsi

Tu traverses : ce lieu qu’obombre ton corps,

Dont es pas mesurent l’espace, soupèsent les masses,

Ce lieu que je brasse, où j’apparais, disparais

Selon le gré de mes âges.

Frédéric Tison extrait de la nuit des essences, tantôt sombres, tantôt lumineuses. Extraction lente, alchimique ou extraction fulgurante, magique. Les mots les habillent afin de les rendre visibles, elles se font histoires. Les sens se contractent pour mieux exploser dans la conscience du lecteur. Parfois cris, souvent chants, ces altérations poétiques de la continuité de l’apparence sont autant de portes à pousser, de songes en lesquels s’enfouir, ou s’enfuir.

« J’AI D’AUTRES CIELS pour tes pensées…

– d’autres ciels ? – des ciels verts, des ciels rouges, des ciels invincibles, des ciels d’étoiles retrouvées, des ciels de Voie lactée.

J’ai des fêtes, des feux, des flûtes pour tes lacs et pour tes mers ;

j’ai des navires pour tes noyés, j’ai des rêves pour tes hôtes.

J’ai pour tes dieux encore, pour toutes tes vérités,

j’ai des trombes et des houles –, j’ai des nuées. »

ES-TU TOMBE – Suis-je

Ton miroir ou ton corps ?

Suis-je de tes ailes l’ardeur –

Suis-je d’elles l’effroi ?

Ai-je nom l’ombre,

Suis-je un soleil plus bas ?

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