Jacques Bergier, l’aube du magicien

Après le magnifique premier volume consacré à Jacques Bergier (1912-1978) connu comme le co-auteur du célèbre Matin des magiciens, rédigé avec Louis Pauwels, ce deuxième volume vient compléter l’hommage fait à un penseur et aventurier d’exception.

Le premier volume de l’anthologie, Jacques Bergier, l’aube du magicien, paru en 2009, chez le même éditeur, sous la direction de Philippe Marlin, rassemblait une sélection d’articles parus avant l’aventure du Matin des magiciens, ce qu’indique le titre du volume, articles principalement parus dans la Bibliothèque Mondiale, La Tour Saint-Jacques où il collabora avec Robert Amadou, Fiction, Ailleurs, Satellite et des articles ou documents issus d’autres sources.

Les sujets traités allaient de la littérature classique à la parapsychologie en passant par la science-fiction ou les sciences. Ce deuxième volume propose des articles et essais, des chroniques littéraires, des préfaces et contributions variées, des correspondances.

Jacques Bergier s’intéresse aux « problèmes de notre civilisation. Il critique avec justesse, on le sait aujourd’hui, le fameux rapport kinsey ou interroge la fonction de l’écrivain, doit-il être témoin de son temps.

Lecteur infatigable, il rend compte de la littérature de son époque, livres étrangers récents, ouvrages scientifiques, documentaires. Sa chronique Ici, on désintègre ! dans la revue Fiction de 1955 à 1961 est d’une grande richesse et témoigne des mouvements de pensée de l’époque à travers la vulgarisation scientifique ou la littérature populaire.

Parmi les préfaces, nous noterons celles accordées aux trois anthologies Les chefs d’œuvre de l’épouvante (1965), Les chefs d’œuvre du crime (1968), Les chefs d’œuvre du fantastique (1967). Certaines nous rappellerons des lectures de jeunesse. Jacques Bergier avait par exemple préfacé l’édition française du roman d’Isaac Asimov, Les cavernes d’acier ou le Solaris de Stanislas Lem.

La correspondance de Jacques Bergier avec Pierre Versins, auteur de L’encyclopédie de l’utopie, des voyages extraordinaires et de la science-fiction, paru en 1972, est d’un grand intérêt. Cette amitié « savanturière » court sur la période 1955 – 1965. La correspondance, parfois touchante, reflète les vies singulières, les cheminements complexes des deux explorateurs de l’imaginaire. Joseph Altairac remarque que « Cette correspondance permet également de reconstituer une partie du fandom et du monde professionnel de la science-fiction de l’époque : certains noms sonneront de manière familière au connaisseur d’aujourd’hui, d’autres nettement moins, et il y a des fils à tirer, des pistes à remonter pour les historiens méticuleux du domaine. ».

Jacques Bergier et le mouvement Planète ont généré de multiples vocations et contribuer à ce qui manque cruellement aujourd’hui en France, le réenchantement du monde. Il est utile de se rappeler ce qu’Umberto Eco disait de Jacques Bergier :

« Jacques Bergier, l’éminence grise de la revue : un petit bonhomme invraisemblable, absolument fascinant qui, après avoir combattu dans le maquis, après avoir survécu au camp de concentration, après avoir repéré et signalé à l’Intelligence Service la base de Peenemünde, passe maintenant son temps à élaborer les hypothèses les moins contrôlables, à imaginer des univers logiques dans lesquels il est impossible de calculer deux plus deux, à étudier un code informatique pour les parfums, à psychanalyser les cerveaux électroniques et à exhiber sa connaissance vertigineuse de la littérature feuilletonnesque du monde entier. Après une rencontre avec Jacques Bergier on est persuadé de l’absolue nécessité d’être curieux et intellectuellement téméraire ; on commence à croire que la véritable science naît justement de ces inspections de l’imagination aux frontières de l’incroyable et qu’elle s’en nourrit… »

Les deux volumes de cette anthologie consacrée à ce « petit bonhomme invraisemblable » sont indispensables pour comprendre le mouvement des idées depuis les années 60. Certains des grands enjeux d’aujourd’hui ont été identifiés par Jacques Bergier il y a plus d’un demi-siècle.

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