Ce « plaidoyer pour un humanisme spirituel » veut contribuer à la restauration du lien entre spiritualité et humanisme, lien défait tant par « la collusion du religieux et du politique » que par « l’identification et la soumission du spirituel au religieux ». Ce sont les « Lumières » qui ont, par crispation scientiste, séparer le spirituel de l’humanisme.
Pour l’auteur, « la spiritualité humaine a sa source dans cette capacité dont dispose l’humain et dont il n’a pas décidé, d’avoir une conscience claire de lui-même, de sa finitude, de cette relation ambivalente, contradictoire entre ce qui est lui et ce qui n’est pas lui… ».
Finalement, la spiritualité a sa source dans l’expérience, souvent douloureuse, de la dualité, dont l’être humain tend à s’affranchir par « un dépassement dans un illimité, une unité, une permanence, une perfection, une complétude individuelle qui serait aussi une communion, une fusion dans un Tout et dans l’Unité de ce Tout ».
Ce fut un long processus qui fit basculer l’humanité de la pensée métaphysique mythique des religions polythéistes de l’Antiquité vers une philosophie rationnelle. Ce processus accompagne une individualisation, une singularisation, une liberté qui fondent aujourd’hui, parfois faussement, les sociétés modernes. L’erreur prométhéenne de « l’homme auto-suffisant » va effacer peu à peu le rêve créatif orphique.
L’auteur consacre un chapitre à la question de l’immanentisme dont il distingue deux faces : « La face matérialiste et scientiste et la face subjectiviste et libertaire toutes deux reliées par un démiurgisme commun, et entre lesquelles l’humanisme autosuffisant, dans son refus de tout lien avec une réalité transcendante fondatrice, ne cesse d’osciller et de basculer ». Cette dualité immanentiste, ce binaire réducteur, aux effets toxiques, est bousculée par un troisième terme qui dépasse les oppositions, « transcende le connu et le connaissant », troisième terme « d’où seulement peuvent provenir aussi les idées d’un « souverain bien » et de cet accomplissement-communion auxquels nous aspirons et qui nous donnent les raisons et le courage, la vertu de maîtriser notre ego possessif et dominateur pour s’en approcher. »
C’est la science elle-même, nous dit l’auteur, qui remet en cause l’immanentisme et permet l’émergence d’un humanisme « renouant avec ses sources spirituelles, historiques, religieuses et philosophiques, en repensant celles-ci au feu de l’expérience et de nos savoirs nouveaux ».
« Seule, poursuit-il, une telle respiritualisation de l’humanisme et des Etats de droit démocratiques et laïques les rendant capable de justifier, de réaffirmer à nouveau avec force la sacralité de la personne humaine et la possibilité et la nécessité d’un universalisme éthique me paraît donc à même de combattre, à la fois, une mondialisation de la société humaine guidée seulement, comme aujourd’hui, par l’économie, la technique, la finance et la volonté de puissance, le désastre écologique, et le relativisme et le nihilisme culturels et éthiques que cette mondialisation engendre, ainsi que les résurgences des fanatismes idéologiques, identitaires, religieux et nationalistes qu’en réaction elle suscite également.
La réalisation d’un tel humanisme spirituel partagé me paraît être la première condition de l’avènement d’une citoyenneté planétaire seule à même de rapprocher tous les humains. Avènement dont les Etats de droit démocratiques se doivent d’être les creusets. »
En réaffirmant la responsabilité de l’Etat, et en creux son actuelle faillite, Claude Salicetti nous indique à considérer cet humanisme spirituel, que d’autre pourrait désigner comme spiritualité laïque, comme un nécessaire opérateur de changement sociétal.
Cet essai, dense et rigoureux, nous rappelle l’urgence de la tâche en restaurant les fondamentaux de l’humanisme issu de la Renaissance.