Gilbert Garibal, dont nous avions signalé son intéressant Ombres et Lumières sur la franc-maçonnerie paru chez le même éditeur, revisite l’histoire, mythique et réelle, de la franc-maçonnerie pour une mise en perspective intéressante.

Prenant acte de l’évolution de nos sociétés, de la place grandissante de la science dans nos interrogations et nos réponses, des nouvelles demandes de ceux qui frappent à la porte du temple, demandes de pragmatisme, il pose les principes d’un nouveau défi lancé à la franc-maçonnerie.

Ce qui frappe d’emblée, c’est que ce défi n’est pas initiatique mais sociétal. L’initiation n’est pas ici entendue comme voie d’éveil mais plutôt comme développement personnel, ce qui rappelons-le avec insistance est radicalement différent. Ce n’est certes pas un hasard, Gilbert Garibal, docteur en philosophie et psychosociologue est spécialiste du développement personnel. Est-ce alors une simple projection de son modèle du monde sur l’institution maçonnique ? Ce serait mettre de côté la nature même de la Franc-maçonnerie. Celle-ci n’est pas initialement une société d’initiation au sens le plus axial du terme. La Franc-maçonnerie est porteuse d’un projet politique, sociétal et spirituel. Il ne s’agit nullement de se libérer de tout conditionnement et de toute mondanité au sens où l’entendent les traditions initiatiques mais de contribuer à une société meilleure par le perfectionnement de ses membres. C’est pourquoi les greffes initiatiques ne prennent jamais complètement et durablement sur la Franc-maçonnerie. Il faut cependant les défendre et les poursuivre.

Le propos de Gilbert Garibal est finalement très en phase avec la Franc-maçonnerie telle qu’elle est, une société de pensée, avec rites (ce qui n’en fait pas une société initiatique) dont les préoccupations sont finalement profanes. Il va comme d’autres chercher dans la psychanalyse ce qui est particulier à la Tradition : « Parce que, soulignons-le, si la méthode maçonnique n’est pas une thérapie, elle ne manque pas, en revanche, de bénéficier des raisonnements de la précieuse théorie psychanalytique ». Jung mis à part, membre lui-même de sociétés internes, les pères de la psychanalyse, si intéressants soient-ils traitent de la « personne » et non du soi, non du chemin de l’individuation. C’est par défaut de Tradition que la Franc-maçonnerie éprouve la tentation aujourd’hui de la psychanalyse ou plus généralement du développement personnel.

Pour ceux qui sont dans cette démarche, le livre de Gilbert Garibal sera bienvenu car le projet présenté, projet sociétal, est tout à fait intéressant, à la fois inscrit dans la continuité maçonnique et novateur. Souvent lucide, sur nos travers, optimiste, sur nos potentialités, il croit en la puissance de changement de la vénérable institution :

« Mais il est clair que, aujourd’hui, quelle que soit l’obédience qu’approchent les candidats à l’initiation, Dieu qu’on le nomme l’Être suprême ou le Grand Architecte de l’Univers (vu comme vérité révélée ou symbole) n’est plus le critère central évoqué pour donner réponse à tout ce qui « actionne » la nature. L’immanence et la transcendance, l’ontologie et la métaphysique - qui touchent à l’intime et non au commun – font davantage place chez les postulants, au pragmatisme, au concret, aux valeurs « groupales », dans les raisonnements. Mais, fait nouveau, ils se méfient de la notion de « bien » - valeur qui permet de tuer ! – à laquelle ils préfèrent « la bonté » - vertu liée à l’intelligence – synonyme de don et d’écoute. Donc d’échange. Et si demain voyait le retour du dialogue, véritable lien social dans la cité ?! »

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