Avec ce troisième livre, Arouna Lispchitz nous invite à suivre son parcours qui la conduit à réaliser un véritable projet de vie : ancrer la transcendance dans l’immanence.

Alors qu’avec l’hindouisme, elle s’était perdue dans la beauté de la lumière infinie, le désir de connaître l’autre et la découverte de la kabbale la ramènent au monde et aux enjeux de la création. Pour dépasser les blessures du passé et la fusion béatifique, elle opère une récapitulation absolue dont ce livre témoigne.
Arouna Lispchitz renonce à la fusion, accepte l’écart nécessaire à la relation, risque l’inconnu. Elle nous dépeint alors comment sa propre expérience témoigne de la gestation de l’âme. La genèse d’âme passe à a la fois par la coupure avec l’âme-autre (moitié céleste archétype à la fois de la condition de sa propre complétude et de l’altérité qui ne peut être connue que dans le ciel) et par la vie dans ce monde qui conduit à la définition d’un moi de plus en plus précise… Mais l’Etre ne se suffit pas. L’Etre ne peut se retrouver ni dans un autre être humain qui ne sera toujours qu’un simple être humain, jamais à la hauteur de l’âme-autre, ni dans la dépendance à une fusion impossible avec cette âme-autre qui demeure en d’autres cieux. Pour naître à l’Etre et vivre en l’Eternel dans ce monde, l’âme doit guérir à la fois de la nostalgie de l’absolu, de l’idéalisation de l’humain et de l’incomplétude du monde. Pour cela, il faut apprendre à vivre autrement.
Vivre autrement implique pour tout un chacun, comme ce fut le cas pour Arouna Lipschitz, de remonter à la source de soi, au Désir de l’Autre, cet Alpha du Désir qui se déploie dans le désir d’incarnation. Reconnaître la valeur et la puissance de ce désir pousse à dire oui à l’existence, à accepter avec humilité la condition et l’amour humains, «simplement» humains. L’acceptation profonde du monde et de la condition humaine comme opportunité et moyen de régénération et de re-génération de l’Etre conduit à la fin de la plainte et donc à la fin de la violence envers soi et les autres. Avant ce retournement, la chute dans le monde était vécue comme une fatalité dualiste, après celui-ci, l’acceptation de l’imperfection est perçue comme une aventure nécessaire, partagée, où l’individu est totalement responsable de son histoire. Comprendre et accepter cela, conduit l’auteur à ne plus s’accrocher à la nostalgie de l’âme-autre et à sceller une nouvelle alliance avec la Vie.
Pour Arouna Lipschitz , la rencontre de l’autre se fait en particulier à travers la découverte du new-age, si empreint de magie, de convivialité et de spontanéité mais aussi de naïveté, de mièvrerie mystique, de sacralisation idolâtre. Si elle en reconnaît la force des cérémonies, elle refuse les rituels uniquement empreints de magie, elle refuse toute soumission au « prêt-à-l’extase » car son expérience lui a fait connaître les risques de la dévotion, de toutes les tentations dévotionnelles. Pour elle, la spiritualité ne peut se limiter à un ressenti qui ferait fi de l’entendement car elle sait la valeur de la rigueur de la métaphysique occidentale, si bien qu’elle finit par oser et poser la question fondamentale : Comment pouvons-nous vivre le sacré sans les fioritures traditionnelles ?
L’accomplissement de la relation à l’autre passe aussi bien évidemment par la construction d’une relation avec l’autre sexe. Sur ce point, Arouna Lipschitz s’interroge sur la possibilité de vivre une relation à l’autre sans que l’âme ne se perde. En récapitulant ses amours avec les hommes, elle ne se contente pas d’une approche psychologique et d’une analyse des raisons de ses échecs. En kabbaliste, elle cherche quel inaccompli a amené tel ou tel évènement de manière à engager ces énergies dans la réparation, le tikkoun, qui permet le renouvellement de soi et évite de s’enfermer dans la position de victime… Elle sait aussi que la techouva (retournement, retour, repentir, réponse) ne devient rédemption qu’à la condition de sacrifier les bénéfices secondaires. Pour elle, comme pour Castaneda, la récapitulation est une question d’énergétique. Elle revient au croisement où elle s’est trompée de route et se réapproprie ainsi une liberté fortement limitée par la culture de la loi de causalité et la théorie du karma.
Dans la récapitulation absolue et dans le désir de redonner sa place à l’autre, tout y passe : l’amitié avec ses copines, sa quête spirituelle, la relation aux hommes. Dans une approche complète de l’Etre, rien n’est à rejeter, rien n’est séparé. Arouna Lipschitz avait fait récapitulation de sa quête spirituelle en décidant de passer de la tradition hindoue à la tradition hébraïque, elle fait aussi récapitulation de ses amitiés avec ses copines lors d’un voyage : elle y discerne combien l’amitié est un test de la validité de la valeur de soi et combien la relation à l’autre est souvent ambiguë et encombrée par le difficile apprentissage de l’altérité qui renvoie tout un chacun à ses limites évidentes, ses frustrations secrètes, ses compensations mal cachées, ses espoirs vrais et incertains… Pour Arouna Lipschitz, le challenge n’est pas de conquérir l’esprit de la Loi, ses expériences passées de disciple et d’instructeur lui ont permis de les acquérir, mais de s’ouvrir à l’accomplissement de l’amour dans le rencontre de l’autre.
L’intérêt majeur de ce livre, de l’expérience d’Arouna Lipschitz, est de nous amener à nous interroger, de nouveau, sur cette question fondamentale : qu’est –ce que l’amour ? Comment « aimer vraiment et réellement l’autre » ? Dans cette quête de la qualité de vie, Arouna Lipschitz pointe également l’intérêt et les limites de l’investissement de la sexualité comme mode d’accès à l’être et à l’établissement d’une relation profonde avec l’autre. Elle a ainsi connu diverses manières de vivre la sexualité : plaisir des sens, abstinence pendant dix ans, le tantrisme comme mode d’accès à l’absolu qui conduit à la transcendance et qui coupe de facto de la relation à l’autre, le taoïsme comme plaisir du jeu des polarités et enfin une ouverture exceptionnelle du chakra du cœur. Elle finit par conclure qu’il est bien difficile mais pas impossible de vivre la danse des sens dans la liberté du don gratuit, comme ouverture au Cœur. A ce moment on peut enfin mettre de côté l’attirail mystique et vivre dans l’instant une relation de confiance. Notons, enfin, au passage, que son expérience l’amène à s’interroger aussi sur ce qu’est la véritable virilité : il ne s’agit pas de l’affirmation du phallus, signe éphémère de puissance, la véritable virilité est liée à l’éros lumineux qui rend beau.
Loin de nous enfermer dans les difficultés de l’amour, Arouna Lipschitz nous invite à oser l’amour, à oser l’altérité transcendante : fusion sans confusion, un pluriel en mouvement à l’infini.
« J’ai vérifié qu’on étanche sa soif d’absolu à la source du silence éternel et qu’on nourrit d’infini son âme dans l’espace du cœur... On peut cheminer seul mais on se prive du plaisir de l’amour, de la réciprocité bienveillante du donner et du recevoir, du partage des fruits de nos arbres de vie… Les amoureux sont les bâtisseurs du paradis sur terre : l’interstice entre deux corps attentifs l’un à l’autre ». Entre fusion et solitude, l’altérité bienveillante où interdépendance et incarnation n’est plus prison mais liberté et beauté. »

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