Le culte du Bwiti est très présent dans l’actuel Gabon. Il présente bien des parallèles avec le chamanisme et s’organise autour d’un arbre sacré, l’iboga. L’auteur, initiée au Bwiti, témoigne, à travers des entretiens avec Tatayo, un homme d’expérience, de la richesse et de la profondeur de cette tradition.

« Le Bwiti, nous dit-elle, est un concept très large. Au départ, il s’agissait simplement de la religion des Pygmées du Gabon central, qui fut transmise au cours du dix-neuvième siècle au reste du monde bantou gabonais. Ce monde bantou lui donna une forme ritualisée, allant jusqu’à d’étonnants croisements avec la religion catholique au début du vingtième siècle, par l’intermédiaire des peuples fang. Et vraiment on peut parler de religion, non pas seulement du fait de ce dernier syncrétisme chrétien qui permit au Bwiti de résister à la destruction des mythes ancestraux par la colonisation, mais surtout car le Bwiti est une construction complexe de l’image de Dieu. Une construction étonnamment produite par l’expérience vécue du message divin, plutôt que par sa théorisation abstraite. Car le principe du Bwiti est contenu dans la racine même du mot bo-hete, « émanciper », « libérer », littéralement « épandre un fluide hors d’un récipient ». (…) Et ce qui est fascinant est que cette conception n’est pas le fruit de la parole de quelques prophètes élus, mais bien de tous les adeptes qui, selon la capacité de leurs consciences propres, rapportent chacun un élément de cette vérité immatérielle que le groupe intègre. Si bien que le Bwiti désigne autant la religion, la communauté « d’un seul cœur », celle des adeptes, que la vérité de chacun et même son essence sacrée. Car chacun a son Bwiti, son émancipation, son accès au divin, sa vérité intérieure qui se révèle dans le processus initiatique. »
Nous avons là les éléments d’une tradition authentique, à savoir, une seule finalité, la libération, une approche résolument opérative et non-dogmatqiue et le partage, la mise en commun qui influe aussi sur l’organisation sociale.
C’est par l’absorption de Bois sacré, la racine d’iboga, que l’initié se libère de lui-même pour explorer d’autres mondes, d’autres états. Le lâcher-prise est essentiel au bon déroulement de ces initiations.
L’auteur raconte les différentes formes de Bwiti, la tentation de la complexité et la nécessité de revenir à l’essentiel, la connaissance des végétaux, la science des soins, le lien initiatique, la médiation de l’iboga, etc.
Elle conclut l’ouvrage par cette parole de Tatayo, lourde de sens :
« L’écriture est le premier mensonge, car à partir du moment où quelque chose est écrit, cela fait acte de loi, c’est posé, figé et ça n’a plus rien à voir avec le subtil. »

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