L’illumination silencieuse

Nous ne pouvons que conseiller ce très beau livre d’Antoine Marcel, lente et paisible navigation dans la poésie de l’éveil.

« Aux origines de l’école zen, en Chine, la tradition chez les adeptes était, lorsqu’ils avaient atteint une décisive compréhension, d’écrire un poème pour attester leur éveil. »

A la croisée du taoïsme et du tchan, ou de son pendant japonais le zen, s’est constitué au fil des siècles un véritable corpus poétique d’une profondeur exceptionnelle, à la fois conservatoire, témoignage et source d’éveil, caractérisé par une infinie liberté.

Antoine Marcel a trouvé la juste proportion entre exploration poétique et analyse pour nous permettre de naviguer sur cet océan silencieux et scintillant comme la mer de paille. La simplicité apparente de certains poèmes ne doit pas nous tromper, il est nécessaire le vivre le poème pour en saisir l’essence.

« On dit communément, indique Antoine Marcel, que la composition de haïkus est une pratique d’éveil, en ce sens que la poéticité décelée à l’occasion de la vue d’un objet, ou d’un événement infime, est tout en même temps une intuition de l’ainsité, autrement dit une « petite illumination ». Ce n’est pas faux. Il n’est, hélas, que trop facile, en la matière, de se duper soi-même. Les grands maîtres du haïku à consonnance spirituelle zen, ceux de l’école Bashô, étaient des hommes entièrement investis dans leur discipline ; leur vie d’ermite, de moine pérégrin, et leur pratique poétique n’étaient qu’une seule et même chose. »

La nature est souvent très présente dans la poésie de l’éveil, elle se révèle dans la non-séparation comme chez Han-Shan :

 

Torrent de jade, source claire

Lune sur Han Shan, lumière blanche

Compréhension tacite, esprit clair de lui-même

Contemplant le vide, éclosion du silence

 

 « Chez Han Shan, écrit Antoine Marcel, il y a identité entre la nature raréfiée de la haute montagne et la rareté de l’esprit ; identité entre la poéticité existentielle et l’éveil à la vacuité. »

Cette poésie des mots est poésie des images, art de vivre, union en l’intériorité, sans le moindre rejet, sans comparaison, sans autre règle que la liberté originelle et ultime. Le livre d’Antoine Marcel est lui-même composé comme une peinture, par petites touches qui, juxtaposées ou se mêlant, dessinent les vagues de l’océan infiniment profond et sans cesse renouvelé de l’éveil.

Source : La Lettre du Crocodile

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