Principes et problèmes spirituels du Rite Ecossais Rectifié

Jean Tourniac demeure une figure importante du Régime ou Rite Ecossais Rectifié et de la Franc-maçonnerie en générale. Ce livre publié initialement en 1969 et révisé pour l’édition de 1985, reprise ici, témoigne des enjeux et des orientations du RER dans la seconde partie du XXe siècle. C’est dans ce contexte qu’il faut lire cet essai qui a perdu de sa pertinence sans perdre de sa profondeur. En effet, Jean Tourniac ignore les deux matrices du RER, le templarisme et le martinézisme, aujourd’hui indiscutables grâce aux travaux des historiens et des penseurs du rite, pour se concentrer sur une double approche, chevaleresque (templière) et guénonienne. La question de la nature du christianisme et de sa réalisation est au cœur de sa démarche et beaucoup de questions posées par Jean Tourniac demeurent actuelles.

Jean Tourniac rappelle les exigences de la chevalerie, sa nature et sa fonction qui dépassent le cadre de toute organisation pour établir, par une gnose, un état de l’être et un état en l’être. Il suit les différents fils (à l’exception donc du martinézisme, ignoré à l’époque) qui s’entrecroisent au sein du RER pour identifier ce qui typifie le Régime, comme cette fameuse référence à un « christianisme originel » qui continue aujourd’hui de jeter le trouble et parfois sert à contester la référence judéo-chrétienne que met en avant Jean Tourniac. Il franchit aussi le pas qui va du sujet d’un « christianisme originel » à celui d’une « gnose originelle » qui se distingue de la « fausse gnose », le gnosticisme.

Jean Tourniac interroge la référence templière, plutôt que templariste (dégagée des formes), qui imprègne l’ordre intérieur du RER. Il identifie trois influences : saint-Benoît, le Carmel, et la source johannite. Si nous ignorons ces sources, nous ne pouvons comprendre certaines suggestions qui étaient faites aux futurs Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte dans la seconde partie du XXe siècle, suggestions qui surprendraient aujourd’hui.

Si dans la première partie de l’ouvrage, Jean Tourniac s’en tient aux structures chrétiennes et chevaleresques du RER, la deuxième partie consacrée à la gnose et à la chevalerie templière, explore, sans jamais s’égarer d’autres apports comme l’essénisme ou la tradition de l’Amour courtois.

Le livre de Jean Tourniac est indispensable pour comprendre certaines forces d’adhésion ou de résistance, toujours à l’œuvre au sein du RER. Toutefois, le plus important demeure le regard profond que porte Jean Tourniac sur l’initiation chrétienne elle-même et qui apparaît à travers nombre de ses paroles.

« C’est donc, conclut-il, à l’ouverture de ce cœur, là où s’épanouit la Rose rouge de l’Amour du Christ « qui dépasse toute connaissance » que nous avons voulu recueillir le sang vivifiant de l’entendement. Et c’est avec ce sang que nous avons tracé les contours spirituels d’une Institution traditionnelle, dégénérée au cours des siècles. »

Source : La Lettre du Crocodile

VOUS AIMEREZ AUSSI

Haut