Judéobsessions

Ce livre est indispensable pour penser l’antisémistisme ou ce qui nous empêche de le penser, pour comprendre les enjeux de la situation au Proche-Orient mais aussi ce qui se joue parfois dans nos salons ou cuisines.

Mêlant son expérience personnelle et familiale aux recherches les plus abouties sur l’histoire de l’antisémitisme, Guillaume Erner, sociologue que les habitués de France Inter connaissent bien, nous fait prendre conscience du véritable labyrinthe dans lequel nous vivons pour nous aider à en sortir avec un fil d’Ariane torsadé, constitué de plusieurs fils, humour, lucidité, empathie, sciences, histoire, etc.

Il permet au lecteur, qui se voudrait disponible et attentif, d’approcher les sentiments multiples, contradictoires, douloureux qui traversent tout Juif aujourd’hui comme tout non Juif pour mettre à distance les mécanismes des antisémitismes afin de les reconnaître et les disséquer.

 

Finalement, si nul ne sait réellement ce que c’est qu’être Juif, nous pouvons tous apprendre à reconnaître l’antisémitisme, surtout dans ses formes les plus subtiles et insidieuses. Les judéobsessions abordées dans ces pages sont aussi bien celles des Juifs que celles de leurs adversaires, ennemis déclarés ou faux amis.

Dans ce livre, nous apprenons beaucoup sur nous-mêmes, Juif ou non, mais aussi sur l’histoire de l’Occident et du monde, sur la montagne de préjugés, médiocrités et trahisons que nous adorons et sur nos incapacités à rêver.

 

« Les Juifs, écrit Guillaume Erner, pour leur plus grand malheur, inspirent la métaphysique. Ils ont donné au monde deux autres monothéismes, voilà déjà un testament bien lourd à assumer. La modernité ne les a guère épargnés ; ils ont été l’anticulte de la pire religion séculière de tous les temps, le nazisme. C’est cela

qui distingue l’antisémitisme des autres formes de racisme. La haine du Juif remplace l’opium du peuple ; la judéophobie est devenue une religion sans dieu, elle organise le monde et désigne même une espérance. Voilà pourquoi l’antisémitisme est redoutable, au-delà des préjugés et des stéréotypes communs à toutes les formes de rejet de l’autre. Il existe désormais quantité de discours efficaces où la croisade antijuive donne sens au monde. C’est cela le miracle de l’antisionisme. Il ne recouvre pas une solidarité avec les Palestiniens, mais une espérance bien plus grande : en finir avec le diable. Je les comprends, ces demi-fous qui m’écrivent pour me dire que je suis, avec ma « clique », un « monstre responsable de morts palestiniens ». Il y a, derrière cette haine, une véritable utopie : imaginer un monde débarrassé du mal, ou il n’y aurait ni Israël ni sionistes. »

Le propos n’est pas optimiste. Il n’est pas non plus totalement pessimiste. Il est une opportunité de s’extraire de la bêtise.

 

Deux autres ouvrages de Guillaume Erner mérite notre intérêt : Expliquer l’antisémitisme, Paris, PUF, 2005 et La Société des victimes, Paris, La Découverte, 2006.

Source : La Lettre du Crocodile

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