Tous ceux qui ont connu quelque peu Serge Hutin (1929-1997), particulièrement quand il était un conférencier officiel de l’ordre rosicrucien AMORC, ont étendu de sa bouche le drame qui sert de fond au roman d’espionnage jusqu’alors inédit qu’il a rédigé en partie comme une thérapie.
La compagne de Serge Hutin, Marie-Rose Baleron de Brauwer, disparait en effet le 27 octobre 1972 dans un accident d’avion, à Noirétable. Officier de police aux Renseignements Généraux, elle enquêtait alors dans le cadre d’une mission intéressant le contre-espionnage français. Serge Hutin ne crut jamais à la thèse de l’accident.
S’il s’agit bien d’une fiction, elle possède quelques bases réalistes. Didier Renaud Saint-Deville, introduit le texte de Serge Hutin ainsi :
« Le roman que nous présentons, qui demeure ainsi un manuscrit inédit, était sans doute pour Serge Hutin l’occasion avant tout d’un souvenir, et d’un hommage à sa compagne disparue. Le genre – le roman d’espionnage – fut celui choisi pour évoquer justement l’affaire, dans une mise en scène peut-être assez loin des déclarations connues de Serge Hutin, ou des accusations plus ou moins directes formulées par ailleurs, en ce qui concerne les causes possibles de « l’attentat ». Néanmoins, il demeure des points de réflexion intéressants dans ce roman : on y retrouvera, bien sûr déjà sous la figure du « duc de Chenonceaux » le comte Alexandre de Marenches, chef des services secrets français du S.D.E.C.E., ancêtre de la D.G.S.E., jusqu’en 1981. L’historien Jean Chatenay, lui, n’est rien moins que Serge Hutin, se mettant en scène, et Anne-Lise Wissant figurant Marie-Rose Baleron… »
Indépendamment de la réalité de « l’affaire » et des méandres complexes qui régissent services spéciaux et milieux politiques, c’est un bon roman d’espionnage, bien écrit et entraînant, qui livre aussi des observations pertinentes sur les stratégies étatiques et ce que l’on désigne désormais comme géopolitique :
« Le propre de l’affrontement des services secrets de divers bords, est, justement, de déborder, voire de bouleverser l’équilibre visible des alliances. Suivant les circonstances, on verra les rivaux, les adversaires… n’être pas toujours ceux que l’on penserait, et des coalitions inattendues (mais éphémères) se nouer entre pays, ou même entre blocs idéologiques apparemment irréductibles. »
Serge Hutin a voulu faire revivre sa compagne et apaiser ses douleurs par l’acte d’écrire. En lisant ce roman plaisant, le lecteur pourra saluer la mémoire de cet homme aussi attachant que brillant, l’un des premiers vulgarisateurs de l’ésotérisme. Franc-maçon, martiniste, rosicrucien, il collabora à de très nombreuses publications dont La Tour Saint-Jacques, Planète, ou L’initiation, et publia de nombreux ouvrages au sujet de l’alchimie, de l’astrologie, du gnosticisme, du prophétisme… inaugurant d’une certaine manière la vague incessante des publications dans ces domaines.
L’édition de ce manuscrit, longtemps fantôme, est comme un rappel bienveillant à l’ouverture exceptionnelle sur l’ésotérisme que connut la seconde moitié du siècle passé.
Source: La lettre du crocodile