Debussy et l’échelle mystérieuse

A l’occasion de cette nouvelle édition, revue et augmentée, nous vous rappelons la chronique réalisée lors de la première parution de ce beau livre consacré à Debussy :

Claude Debussy, tout comme Alexandre Scriabine, sut établir un rapport singulier avec les sept degrés de la gamme diatonique qui conféra à sa musique son originalité et sa dimension symbolique. Toute sa vie, il chercha à explorer les possibilités de modulation de cette gamme et à reculer les limites du possible, à « troubler l’esthétique de son temps » et « révolutionner la musique ».

Son temps justement est celui d’une tension entre positivisme triomphal et une résistance foisonnante à travers l’occultisme, l’ésotérisme, le symbolisme, entre autres courants ou mouvements. Yvon Gérault, tout au long de l’ouvrage, nous fait vivre le parcours de Claude Debussy au sein de ses milieux créatifs et non conformistes. Déjà insoumis au Conservatoire, il ne pouvait que s’y sentir à l’aise.

  Debussy fréquente les lieux de bohême parisien, le Cabaret du Chat Noir, non loin des loges et arrière-loges, bien sûr mais bien d’autres établissements où il croise peintres, auteurs et autres artistes, dont Marcel Proust ou Maurice Maeterlinck. S’il aime s’encanailler et il est aussi habitué des salons plus huppés. L’époque est agitée par les sociétés initiatiques, notamment rosicruciennes avec les manifestations organisées par Péladan. Debussy est à la fois intéressé, par les thèmes, et réservé face aux excès et aux divisions. Il voit en la musique une science hermétique et aurait souhaité la fondation d’une « société d’ésotérisme musical ».

  L’un des compagnons de route les plus marquants de Debussy, habitué du Chat Noir fut Erik Satie (1866-1925). Une véritable amitié unira les deux compositeurs, amitié qui résistera quand Debussy connaîtra le succès alors que Satie demeurera dans la pauvreté trop longtemps. Yvon Gérault décrit avec talent les milieux les plus divers dans lesquels évolua Claude Debussy, les rencontres, les alliances et mésalliances, les amitiés, les amours et les déceptions, qui nourrirent, à la croisée du visible et de l’invisible, du rationnel et du mystère, les œuvres du compositeur.

  La troisième partie est consacrée à certaines œuvres marquées par le symbolisme, l’ésotérisme et l’étrange comme Pelléas et Mélisande ou Le Martyre de Saint Sébastien. Il travaille des années sur deux opéras : La chute de la maison Usher et Le Diable dans le beffroi.

« Le choix de ces textes de fiction comme base de livret potentiels, indique Yvon Gérault, n’est pas indifférent et les thèmes abordés vont bien au-delà de l’hermétisme, puisque les nouvelles, traduites par Baudelaire, relèvent du genre « fantastique ». Il y est question de transe cataleptique, de magie, de nécromancie et même, de possession diabolique. »

  Toute sa vie, Claude Debussy oscillera entre attrait et distance envers l’ésotérisme, l’occultisme, le fantastique… Il fréquentera des personnalités marquantes de ces courants. Yvon Gérault pose la question des raisons de cette attirance. Peut-être qu’il y avait là des matières et des forces qui l’aidaient à traverser les carcans et les conformismes de son époque. Hier, comme aujourd’hui, s’affranchir nécessite d’explorer les zones incertaines.

C’est un beau livre qui intéressera les amoureux de la musique mais aussi un bel hommage à Claude Debussy et à son époque, haute en couleur mais riche de possibilités créatrices, que nous offre Yvon Gérault.

Source: La Lettre du Crocodile

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