Cagliostro, le maître inconnu

La réédition de cet ouvrage presque classique de Marc Haven, de son vrai nom Emmanuel Lalande (1868-1926), est bienvenue. Ce livre fut une première tentative de réhabilitation de Cagliostro, réhabilitation qui reste inachevée.

Marc Haven ne souhaite pas s’étendre sur les polémiques nombreuses qui entoure le personnage de Cagliostro afin de tenter de cerner ce que ses œuvres disent de lui. Il entend la plupart des déclarations de Cagliostro sur ses voyages comme des énoncés symboliques et propose une méthode en partant de ce qui est établi :

« En passant ainsi du connu à l’inconnu nous croyons procéder d’une façon plus scientifique et plus équitable ; nous évitons aussi des longueurs et des redites ; car, pour juger la valeur des différentes hypothèses présentées, il importe de connaître ceux qui les ont émises, et c’est en suivant Cagliostro dans ses travaux, dans ses luttes à Strasbourg, à Paris, à Londres que nous aurons à parler de ceux qui, les premiers, ont voulu porter la main sur le voile mystérieux dont il s’entourait. »

Aventurier, escroc, sorcier, empirique, charlatan, faux prophète, profanateur sont quelques-uns des qualificatifs dont fut affublé Cagliostro au fil de ses voyages, Londres, la Russie, Strasbourg, Lyon, Paris, la Suisse, Rome… Marc Haven démonte les accusations et dresse un portrait très favorable du fondateur de la Haute Maçonnerie Egyptienne. Il interroge aussi l’identité supposée entre Joseph Balsamo et Cagliostro.

Marc Haven avait recueilli de nombreux documents, insérés dans le livre, et établi un appareil de notes conséquent. Marc Haven a pris fait et cause pour Cagliostro après avoir rencontré Maître Philippe, tout comme Papus. Dans une lettre adressée à Philippe Encausse le 10 décembre 1925, Marc Haven dit avoir attribué à Cagliostro « beaucoup de traits » de Maître Philippe, « le vrai Maître ». Cela nous indique la haute considération dans laquelle il tenait Cagliostro.

L’objectivité est ici impossible, l’important est peut-être de faire vivre la légende et d’étudier ce qu’elle peut nous révéler de l’œuvre car de Cagliostro il nous reste entre autres travaux les rituels de La Haute Maçonnerie Egyptienne, qui parlent pour lui. Il aurait été souhaitable de rédiger une préface sur l’Ecole de Naples dont Cagliostro est un vulgarisateur, ce qui aurait permis de mieux comprendre sa « mission » et d’éclairer la volonté parfois farouche de l’auteur de défendre le « Grand Cophte », ou « Grand Copte » dont l’influence perdure. Ses deux quarantaines restent un élément important des corpus occidentaux en alchimie interne.

Dans son épilogue Marc Haven restitue le célèbre Mémoire pour le comte de Cagliostro accusé contre le procureur général dont les premiers mots méritent d’être entendus sur le plan de la métaphysique non-duelle :

« Je ne suis d’aucune époque ni d’aucun lieu ; en dehors du temps et de l’espace, mon être spirituel vit son éternelle existence, et, si je plonge dans ma pensée en remontant le cours des âges, si j’étends mon esprit vers un mode d’existence éloigné de celui que vous percevez, je deviens celui que je désire. Participant consciemment à l’être absolu, je règle mon action selon le milieu qui m’entoure. Mon nom est celui de ma fonction et je le choisis, ainsi que ma fonction, parce que je suis libre ; mon pays est celui où je fixe momentanément mes pas. Datez-vous d’hier, si vous le voulez, en vous rehaussant d’années vécues par des ancêtres qui vous furent étrangers ; ou de demain, par l’orgueil illusoire d’une grandeur qui ne sera peut-être jamais la vôtre ; moi, je suis celui qui est. »

Cette « Etude historique et critique sur la Haute Magie » reste intéressante malgré quelques travaux universitaires plus récents souvent hostiles à ce personnage de tragédie qui cache un initié fortement conscient de ce qui demeure.

Source: La Lettre du Crocodile

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