Un Chaï au Paradis

Essai de vie intense et libre, le roman de Léo Mer nous entraîne dans une multitude d’expériences, souvent incontrôlables, dont émerge une spiritualité de l’instant présent.

Ce n’est pas sans douleurs.

A travers les périples de deux personnages, ni héros, ni anti-héros, il est question de queste initiatique et de recherche de sagesse hors des chemins balisés et par conséquent illusoires. Il s’agit d’un long et difficile chemin de, de quoi ? réparation, restauration, rédemption ? les mots sont réducteurs pour évoquer la liberté recherchée par les personnages, liberté qui s’échappe dès que nous la recherchons.

Nous sommes à New York dans les années 30. L’ambiance du roman est pré - Beat Generation, ce qui signifie que l’esprit de la Beat est déjà présent, peu importe que cela soit une réalité ou une projection de l’auteur, ce qui compte c’est de prendre « la route » avec les personnages du roman, et se laisser prendre dans les filets d’un jeu de miroirs fissurés.

Le roman commence par cette question : « Es-tu venu pour me tuer ? » et se termine par « Soyez heureux ! » qui, après deux-cent cinquante page d’aventures n’est plus une injonction paradoxale mais un simple constat.

« La nuit dernière, la fée joyeuse a dû se pencher sur la planche à martyr qui me sert de couche, car ce matin, je me suis levé du pied qui convient : celui qui aborde l’existence non pas comme une série d’embûches, mais du point de vue du terrain de jeu, du domaine des possibilités. Tout en couchant sur papier la première mouture du récit qui m’est livré, j’apprivoise les conditions spartiates qui incommodent mon séjour en ces lieux. Je redécouvre une réalité que je connais et dont j’avais perdu le goût ces dernières années : je peux m’adapter aux circonstances et me passer de quantité de biens qui, à la maison, définissent le confort mécanisé de mon quotidien. La vie peut être simple et la simplicité source de plénitude. »

La spiritualité indienne, plutôt les spiritualités indiennes, familières à l’auteur, imprègnent le roman. Se rapprocher de soi-même. Mais avec ce ton décalé qui marque les itinéraires des fous de l’esprit. Il y a quelque chose de très rock dans la forme et le fond, le choc avec les préjugés, ceux de l’époque, ceux que nous cultivons en nous, la volonté de jouissance plutôt que la volonté de puissance. Jusqu’à l’abandon.

« Ruby vomissait l’avenir dont ses parents rêvaient pour elle. La bonne société de New York était une prison de haute sécurité. Le rôle de la femme à la sauce Goldman pire encore. Elle voulait sentir le vent dans la chevelure. La souffrance résignée de sa mère avait développé en elle un esprit rebelle. »

Le vent ! C’est ce qui souffle dans ce roman échevelé, porté par une belle écriture, alerte et inattendue. L’humour souligne avec acuité des propos apparemment légers mais bien à valeur initiatique.Texte  : La Lettre du Crododile.

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