Gymnopédies

Au départ, nous avons une simple photographie noir et blanc de Jean-Charles Pichon, prise en 1996 par Jean-Christophe Pichon, une photographie très Yin-Yang par le jeu étonnant de l’ombre et de la lumière, un portrait très éloquent du métaphysicien.

Cette photographie est le sujet d’une étude symbolique poussée et d’une riche correspondance entre Robert Liris et l’auteur de la photographie.

« Cette photo, nous dit Jean-Christophe Pichon, serait ainsi une sorte d’abstract (une ultime synthèse) de l’œuvre de Jean-Charles. Au-delà de la simple structure mathématique et géométrique, cette image intemporelle contiendrait, selon notre analyse, tous les éléments constitutifs du temps : un temps figé qui serait éternel (ou infini), un temps borgésien immobile, bien que circulaire, griffé par l’ongle d’une éphémère actualité, balafré par la cicatrice d’un présent fugace : une mèche de cheveux qui vole au vent. Aurait-elle capté et compacté l’intégralité, voire la complexité de l’œuvre de Pichon ?

Cette correspondance nous emmène en poésie, art et métaphysique. Correspondances et synchronisations sont au rendez-vous de cette exploration initiatique originale et heureusement décalée.

« Nous sommes en présence, écrit Robert Liris, dans la forme d’une apparence, de ce que la peinture obtient après les épreuves de la survenue photographique : le figuratif d’apparition, l’outre-monde, le cinquième, selon les navigateurs des mondes blancs embarqués à rebours sur leurs vaisseaux fantômes à la recherche des îles sans rivage de l’avers coloré de l’image. »

Tous les arts se trouvent convoqués, non seulement la photographie mais aussi la peinture, la musique, la poésie… Des personnages s’invitent dans la correspondance comme le peintre photographe Miroslav Tichý, photographe qui fabriquait lui-même ses appareils photographiques à partir d’objets hétéroclites. Ces photographies étranges de femmes, volées dans l’instant, sont devenues célèbres et intéressèrent les physiciens « quantiques ». La photographie devient un moyen de pénétrer dans « L’Entre-monde des Ombres et des Reflets ». Nous côtoyons l’homme qui a perdu son ombre aussi bien que l’homme superlumineux. Nous cherchons, avec le poète Mathis Gauthier ou le photographe sans appareil Jean-Marie Fadier à traquer les manifestations dans l’oblique du regard.

« En provoquant, comme il a été dit, confie encore Robert Liris, des collisions du noir et du blanc, silences sans fracas dérobés à la vie disparue… « Cela vient d’un autre espace ». Jean-Marie Fradier, photographe sans appareil, révèle les psychogrammes chers à Anati et jette aux rosées de l’aurore ses « argentypes » nés de l’homme « dans l’ordre de la nuit ». Ainsi peut se lire l’espace photographié qui enserre J.-C. Pichon. Le noir veille et, mal contenu, par le photographe, revient au bord du gouffre où se meuvent les débâcles du clair-obscur, dénuées de noir, là où la photo argentique, cette cendrillon de l’hypocrisie s’estompe à son terme : trop tard advenus les spectres de l’image n’ont pas droit à tant de brillance, comme ordre ils sont oubli et comme désordre défi. »

Robert Liris et Jean-Christophe Pichon ne sont pas dans « l’exercice », même si celui-ci pourrait être intéressant, ils sont dans le plein sens de la correspondance épistolaire, qui se perd malheureusement, un approfondissement permanent fait de rebonds et de plongées, de reflets dans les multiples miroirs de l’art et de la pensée. Si nous croisons Soulages, Malévitch, noir oblige, et d’autres dans ces pages, c’est pour mieux souligner les mouvements de pensée croisée des auteurs en train de tisser une œuvre inspirée par une autre œuvre, la métaphysique de Jean-Charles Pichon.

VOUS AIMEREZ AUSSI

Haut