Dante, le rêveur éveillé

Dante et son œuvre aux multiples dimensions (l’auteur évoque un hypertexte) sont une pierre angulaire de la tradition occidentale. Le voyage initiatique de la Divine Comédie ne cesse de délivrer ses enseignements à qui persévère dans son imprégnation. Commentés tant de fois, il conserve ses mystères car c’est dans l’intimité de la conscience que ce texte nous parle.

Emmanuel Licht conduit le lecteur sur les sentiers sinueux de la Comédie, toujours ascendants même quand ils se dirigent vers l’Enfer, afin d’indiquer quelques repères, de pointer du doigt des chemins dissimulés et de rappeler à l’essentiel.

L’ouvrage, orné de nombreuses illustrations en couleur, commence naturellement (Nature naturée et Nature naturante) avec Béatrice, à la fois cœur et chemin direct, qui incarne tout aussi bien la Sophia qu’une Isis très alchimique. Le discours d’Emmanuel Licht est à la fois très personnel et porteur de possibilités destinées spécifiquement au lecteur. En effet, il s’adjoint des compagnons de voyage comme Hildegarde de Bingen, Joachim de Fore, Maître Eckhart, Ibn Arabi, Al-Khidr… offrant ainsi des regards divers, prophétiques, non-dualistes (Islam iranien ou Eckhart), kabbalistes, hermétistes, cathares… Il fait appel à des disciplines traditionnelles mais aussi non-traditionnelles comme la psychologie.

Les nombres et les lettres, principalement par le recours à l’hébreu, associés aux symboles, s’organisent en des cohérences nouvelles derrière les interprétations courantes. A l’instar du cycle du Graal, la Divine Comédie s’affranchit des règles instituées pour préserver et transmettre un enseignement d’Amour qui transcende les formes tout en restant inscrit dans la chair. Les Fidèles d’Amour, si chers à Dante, ne sont pas loin, qui rendent au langage sa dimension secrète et créatrice. Car la question de la langue est centrale dans l’œuvre de Dante. Le langage demande à être reconquis, le sens même des sons, perdu, peut être retrouvé. Toute langue peut ainsi devenir sacrée. De même, l’arithmosophie de la Divine Comédie, qui structure le poème, est en elle-même révélatrice.

« Outre sa très grande beauté, nous dit l’auteur, à l’instar des immenses vaisseaux de pierre que sont les cathédrales, ce poème sacré nous fournit une manière de lire notre monde. Exil, catastrophe, déclin, effondrement, Dante a vécu tout cela et plus encore. Son langage est universel et la seule religion qu’il professe est l’Amour. »

Parmi les nombreuses annexes de l’ouvrage, faisant référence aussi bien aux travaux de Jean-Charles Pichon que d’un Cicéron, l’une traite avec justesse de René Daumal et de son livre fétiche Le Mont analogue. Avec la Divine Comédie, c’est bien du Grand Jeu qu’il est question. Dante en décrit les subtilités mais il fait davantage, il donne les clefs pour en rejoindre le Centre immuable, la Source que nous sommes appelés à réintégrer par « Entendement d’Amour ».

Source: La lettre du crocodile

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