Boris Nicaise, membre de la Grande Loge de Belgique est un fin connaisseur du Rite Ecossais Ancien et Accepté. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages, essais, romans et recueils de poésie. C’est d’une belle écriture qu’il nous convie à penser ou repenser la place du serment au sein de la Franc-maçonnerie et plus généralement dans le cadre initiatique comme dans le cadre sociétal.
Le serment, remarque-t-il, est « typiquement humain » et associé étroitement à la parole qui tisse les liens entre les êtres. Sa portée est et reste considérable :
« Le serment est une merveilleuse manière de modérer l’individualisme en liant chacun à l’autre par un geste et un parler qui inspirent d’emblée confiance. Dès la plus haute Antiquité, il servit à sceller un lien, que ce fût entre l’être et sa divinité ou entre des peuples voulant améliorer leurs relations. En ce temps non encore totalement aboli, il avait même valeur de preuve en matière judiciaire !
Qu’il fût parole de vie ou de mort, promesse d’alliance ou de vengeance, d’amour ou de haine, généreux ou menaçant, le serment a toujours été une façon de dépasser l’étroitesse de notre condition humaine. »
Si la parole donnée ou le serment a aujourd’hui perdu de sa puissance dans un monde où les mots ne sont souvent guère plus que des bruits, c’est peut-être une conséquence du délitement du tissu social.
Boris Nicaise explore tout d’abord « les mondes du serment » et ils sont nombreux du monde judiciaire au milieu médical en passant par le monde enseignant ou le milieu sportif. Certains jurent, d’autres s’engagent. Les nuances de contextes et de formulations sont significatives. Après une « petite histoire du serment », le sujet du livre, le serment maçonnique, est abordé, ses enjeux, ses genres, ses formulations, ses espaces, ses pratiques…
La portée initiatique du serment relève notamment du temps dans lequel il s’inscrit, ce que relève parfaitement l’auteur :
« La plupart des serments nécessitent la création préliminaire d’un espace-temps particulier où l’espace soit sacralisé et le temps autant dire aboli. (…)
Tout en étant infini et comme suspendu, le temps du serment est un temps arrêté, une césure d’immobilité entre ce qui le précède et ce qui le suit, une forme d’arrêt sur image qui restructure la réalité, la réinstalle ou l’établit, la change ou la rigidifie, en tous les cas ne vieillira jamais. Le temps du serment installe sur un tapis volant par-dessus les eaux d’un présent sans fins ni limites. Il inaugure un futur d’éternité, les amoureux vous le diront, plus encore que les amateurs de vengeance. Aussi incarné soit-il, le serment est imputrescible. C’est d’ailleurs un de ses noms, parmi tous ceux que l’humanité lui a confié autour du globe. »
Dans le cadre maçonnique, le serment dépasse l’engagement et la promesse tout en incluant leurs forces pour devenir selon l’étymologie « conjuration ». Il n’implique pas seulement le rapport à l’autre mais aussi le rapport à soi-même. Il y a une double union, union avec l’autre, union avec sa véritable nature qu’il convient de réaliser.
Boris Nicaise rend au serment sa profondeur dans un monde qui en manque cruellement.