L’expérience de l’immortalité

Ramesh Balsekar fut un proche de Nisargadatta et, tout comme lui, il propose un enseignement direct, non-dualiste, simple, basé sur la non-identification.

Dans cet essai remarquable, il commente un texte non-dualiste du XIIIème siècle, l’Anubhavamrita, poétique et philosophique, rédigé par un sage indien, Jnaneshwar (1275-1296) qui fit un passage éclair sur terre pour y laisser ce joyau.

La queste du « Je Suis », ou plus exactement sa reconnaissance ici et maintenant relève de la conscience impersonnelle et de la désidentification au système corps-esprit. L’identité entre les opposés permet de saisir l’identité générale du Noumène et des phénomènes, de l’Absolu et sa manifestation, infiniment multiple.

Pour Jnaneshwar, l’identification au moi ou l’identification à Shiva sont égales, le problème demeure tant qu’il y a identification individuelle :

« Jnaneshwar affirme que c’est uniquement lorsque l’identification à l’entité individuelle est totalement abandonnée que nous demeurons tels que nous sommes vraiment, dans l’absence totale de toute ignorance et de toute connaissance, c’est-à-dire en l’absence à la fois de l’existence positive et de l’existence négative, comme phénomène distinct ou séparé dans la dualité. »

C’est en intégrant toutes les divisions et oppositions, en les réunissant dans l’a-perception, dans l’a-personnel, l’a-conceptuel que l’on peut s’extraire de la servitude à la dualité. C’est le silence absolu qui caractérise la reconnaissance de l’identité première entre Shiva et Shakti, couple d’où découlent toutes les manifestations polarisées.

« En d’autres mots, Jnaneshwar nous dit que le Noumène et les phénomènes, l’espace et le temps, l’être et le non-être, le masculin et le féminin, le sujet et l’objet, ne sont distincts que quand ils sont conçus dans le but de percevoir et de connaître l’univers manifesté. Ce sont les deux aspects de la non-conceptualisation qui les annihilent totalement dans le « déluge » de la réalisation de leur identité en essence. »

Dans cette perspective, la relation entre disciple et Guru devient toute autre puisque ni le Guru ni le disciple n’existent comme entités séparées.

« Dans la connaissance de sa nature véritable que le Guru lui transmet, le Guru et le disciple s’unifient ; ou plutôt, tous deux deviennent l’unicité, dans l’annihilation de leurs entités individuelles. Mais, dit le sage, dans la comparaison du Guru « avalant » le disciple, il n’est pas question d’être souillé par cet « avalement », parce qu’il n’y a jamais eu de Guru comme entité individuelle, pas plus que le disciple comme une autre (entité). »

Il n’y a que la conscience. Autant Jnaneshwar que Balsekar, par ses commentaires, ne cherchent qu’à donner au lecteur le pressentiment de sa véritable nature non-séparée, désignée ici comme sa Nouménalité. De multiples manières, il n’est question que de se libérer de la croyance en la nécessité d’une libération. C’est l’état « antérieur » au « Je Suis » qui, seul, demeure. Des invalidations successives et conjointes, celle du mot, celle de l’ignorance, celle de la connaissance, conduisent à la réalisation.

Ce livre nous fait plonger au cœur du non-dualisme par un jeu de miroirs subtil et de dissolution des reflets. L’indifférence de l’indifférencié n’est pas un rejet. Tout au contraire c’est par un esprit intégratif que s’impose la validation de notre Réalité.

« Dans l’état de réalisation, le sage ne différencie pas entre dualisme et non-dualisme, parce qu’il ne les reconnaît pas comme différents mais uniquement comme les deux aspects de la même chose, le Noumène est l’aspect subjectif, et le phénoménal est l’aspect objectivé. »

Toute recherche se solde par un échec car la recherche est nécessairement dualiste. Cet échec est un éveil dès lors que le chercheur se vit non-séparé de la recherche. Il y a unicité, une Présence sans présence.

L’ouvrage peut paraître très sec au lecteur en raison de son impressionnante précision, toutefois les mots de Jnaneshwar sont l’expression même de l’amour et de la lumière. Ils vont et viennent depuis l’au-delà des mots où il veut conduire le lecteur.

VOUS AIMEREZ AUSSI

Haut