Lumières d’exil de Christian Faure

Voici un livre d’une grande originalité, une fiction intelligente qui met en scène un disciple de Prajnanpad en exil. Satyanarain, c’est son nom, va rencontrer tour à tour Maxime Gorki, Albert Einstein, Sigmund Freud, tout en conservant dans sa fuite un lien épistolaire avec Prajananpad.

Satyanarain a vraiment existé et a réellement rencontré ces trois personnalités. Il aurait échangé plus d’un millier de lettres avec Prajnanpad de 1920 à 1974. Dans des carnets imaginaires, Christian Faure fait ainsi dialoguer Prajnanpad avec ces trois grandes figures de la pensée à travers son disciple au cours de l’année 1930.

Il explique ainsi sa démarche :

« Pour retranscrire les réflexions de chacun et les « confronter », la formule du dialogue m’est apparue la plus appropriée. Ainsi ai-je rédigé ces carnets de voyage imaginaires.

Percevoir la différence entre le spirituel, le psychologique et le social collectif, et comment tout cela s’inscrit dans notre merveilleux ordinaire m’a guidé dans ce travail.

Afin de ne pas trahir la pensée de chacun, j’ai cherché à être au plus près de la vérité en m’appuyant sur des sources fiables, notamment les écrits des personnages eux-mêmes. Disposant de très peu d’informations sur notre héros, il est possible que des inexactitudes et des imprécisions existent. »

Extrait de la rencontre avec Einstein :

« - C’est la loi du changement. Soumis au temps, à l’espace et à la causalité, tout ce qui vient s’en va. Tout est différent à chaque instant et du coup, la vie est « un festival de nouveautés », pour reprendre une expression de Yogeshwar.

- Il doit bien y avoir un ordre là-dedans tout de même ! s’insurge le savant. C’est pour cela que je ne suis pas d’accord avec la physique des quantas de Planck, ces infimes paquets d’énergie indisciplinés. Ils ne semblent pas obéir à des règles strictes. Quand on les observe, ils ne sont pas là où on les attend. On croit qu’ils vont partir à gauche et les voilà partis à droite. Je veux trouver un ordre pour toute chose y compris les quantas.

- Voudriez-vous comprendre l’Univers lui-même ?

- Le monde doit être homogène et obéir à des lois simples et parfaites et les lois énoncées par votre maître vont dans ce sens, conclut le savant plus apaisé.

- Pour Yogeshwar, la connaissance du Soi passe par la connaissance de soi qui permet d’y accéder.

- Je ne sais pas si c’est le chemin ou plutôt le seul chemin vers Dieu ou quelque chose d’équivalent. Toujours est-il que je pense que l’homme s’expérimente lui-même, ses pensées et ses émotions, comme quelque chose qui est séparé du reste, une sorte d’illusion d’optique de la conscience. Cette illusion est une sorte de prison pour nous, nous restreignant à nos désirs personnels et à l’affection de quelques personnes près de nous. Notre tâche doit être de nous libérer nous-mêmes de cette prison en étendant notre cercle de compassion pour embrasser toutes créatures vivantes et la nature entière dans sa beauté.

Einstein a compris non seulement la physique mais également l’importance et le but de l’existence humaine.

- Ce que vous énoncez est une chose profonde. L’ego, ce petit moi illusoire, est exactement ce que vous dites, une illusion d’optique de la conscience. Nous ne sommes séparés ni des autres, ni de rien. Votre discours est proche du Boudddhisme, dont parle parfois Yogashewar.

- -Le Bouddhisme est probablement la seule religion compatible avec la science moderne. Et cette distinction que nous faisons entre le passé, le présent, le futur n’est qu’une illusion aussi tenace soit-elle.

- Oui, oui, ajoutai-je enthousiaste. Seul le présent existe. Quand nous évoquons le passé ou que nous parlons du futur, nous le faisons toujours à partir de cet instant. Rien d’autre n’existe que l’instant présent. »

Cet extrait permet de comprendre la construction de ces dialogues et leur intérêt. Outre le propos spirituel, métaphysique, Christian Faure a voulu donner un contexte, celui des années 30, contexte scientifique et historique. Il tient compte aussi, autant que faire se peut, de la construction psychologique des trois interlocuteurs du disciple. Le lecteur peut ainsi s’associer pleinement à la scène et bénéficier du jeu de miroirs proposé comme un approfondissement sans fin. A découvrir.

Source: La lettre du crocodile  

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