Le lieu dénudé par Cyrille Guilbert

Cyrille Guilbert, auteur de romans et recueils de poésie, touche avec ce recueil à la métaphysique et au réel total.

 

c’est le moment de la présence qui séduit

le moment de la lumière

mystère et clarté par quoi je suis touché

ma main traverse cela

je sais qu’on ne vit jamais qu’en elle, la lumière

on marche et se courbe au sein de son désir ébloui

en la voyant j’oublie le volume de mon corps

dont est tracé d’avance le trajet d’épuisement

 

Traque de la lucidité, de la présence au réel, traversée des voiles ou des sacs de toile grossière qui masquent le vivant, arrachement des masques gluants des mensonges communs, Cyrille Guilbert tend jusqu’à ce rompre vers l’axialité lumineuse de l’être.

il paraît long le chemin vers plus de nudité

il paraît ardu vers le gain de lumière

la bouche ouverte sur un cri blanc

voici la faille où s’épuise ma parole

 

Cyrille Guilbert défait patiemment les mailles de la trame du monde pour se glisser dans l’intervalle et se plonger dans l’océan lumineux. Les mots défont le tissage mais en même temps le reconstitue, autrement. C’est une quête de la parole, une réappropriation du langage qu’il faut extraire des banalités et des menteries.

 

la parole que je veux maintenir en son âpreté

dès qu’elle me quitte ce durcit et se fige

mes mots forment des pierres lapidant la toile du jour

C’est un voyage initiatique sans concession qui est voué à l’échec jusqu’à l’ultime retournement.

avec des mots accrochés à ce destin de parole erratique

matière informe de mes mots issus d’un fonds d’angoisse

glaise sculptée, lentement modulée, fruit secret de ma patience

je m’attelle encore à la même illusion

de la pierre tenue en main

on n’apprend rien, mais tout finalement s’y révèle

enfoui dans l’opaque

C’est le chemin lui-même qui est la libération et non la destination.

Source: La lettre du crocodile  

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