Le grand ailleurs. Pour une éthique du dépassement

Alain Sainte-Marie rassemble dans cet ouvrage des textes brefs écrits de 1996 à 2018. Ils témoignent d’un cheminement mais aussi d’une permanence, ce qui apparaît comme processus n’est que le déploiement de ce qui a toujours été présent. Philosophiques ou métaphysiques, c’est toujours l’approfondissement qui est à l’œuvre dans la mise en mots.

« Dans mes morts douces, je nage avec le fleuve, épouse tous les reliefs intimes de ma propre dislocation.

La mort me rappelle au souvenir d’aimer. C’est dans ces petites morts que je me sens le plus en vie. Chacune est une porte invisible que je franchis. Je renais en faisant une plus grande place à la mort. Non, c’est la mort qui se fait une plus grande place en moi. Et par elle, c’est la vie qui s’écoule, irriguant mes jours.

Comme une terre restée trop longtemps en jachère, ma vie reprend le cours de ses métamorphoses. Je change et ne change pas. S’il y a déjà du papillon dans la chenille, il reste toujours de la chenille dans le papillon.

Je joue avec le temps comme l’enfant d’Héraclite. Je construis des châteaux d’instants qui ne résistent pas au vent des choses. Tout passe, et il est facile de se croire vivant. »

L’écriture souvent poétique de l’auteur conduit le lecteur dans des dimensions irraisonnables de l’expérience humaine pour laisser venir un art de vivre à la fois élégant et intense. « Pour qui voit, tout est enseignement. » glisse Alain Sainte-Marie avant d’en faire la démonstration dans chaque rapport établi avec l’expérience. Peurs, espoirs, violences, compréhensions, désirs, engagements, rejets sont autant d’occasions d’apprendre ou, plus exactement, de s’apprendre. Se rapprocher de soi-même dans la danse de la vie conduit à la présence.

« La présence à soi, ou conscience pure, est silence ; la présence à soi, ou conscience pure, est son. »

L’axe serpentin de ce livre d’assemblage créateur est sans doute la liberté, source et finalité de toute quête.

« Si la liberté réelle, est l’ensemble des conditions qui rendent possible un acte libre, quel en sera le critère ?

Ce critère sera nécessairement intérieur. Il se manifeste dans la disponibilité de soi à soi, sous les traits d’une vacance susceptible de revêtir l’aspect d’une absence d’occupation, mais pas obligatoirement. Car la liberté est à la fois agir et non-agir, activité et congé. Je suis libre lorsque je me mets en congé de l’effort pour accompagner, la bride sur le cou, les processus intimes à l’œuvre dans le vivant que je suis. La liberté révèle alors un contenu plus vaste qu’elle-même, qui la traverse et l’englobe. »

Ce contenu, qu’on l’appelle le Soi, Dieu, le vide, etc., est l’assurance intime de sa propre liberté intérieure où le risque et la sécurité sont un. »

La conquête de cette liberté, notre état naturel passe par la connaissance. Cette connaissance n’est pas accumulation de savoirs mais bien amour.

« Pulpe nacrée, gorgée de vie,

suspendue à elle-même

entre ceci et cela, entre oui et non ;

quintessence de toutes les rosées,

ce qu’elle ne touche pas nous reste à jamais étranger.

Perle d’amour, fruit de sagesse

à l’arbre de l’homme intérieur, rien n’existe

hors de ce contenant qui se contient lui-même

sans jamais rien exclure que l’irréalité.

Être n’importe qui,

n’importe quoi, n’importe où,

mais toujours avoir quelque part quelqu’un,

quelque chose à aimer. »

Jean-Charles Pichon

 

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