Nous devons à Gérald Messadié de remarquables ouvrages, notamment sur le christianisme. Nous pensons bien sûr à L’homme qui devint Dieu consacré à la vie de Jésus, Jésus dit Barrabas, L’affaire Marie-Madeleine, Histoire générale du Diable, entre autres.
Outre la qualité d’écriture, nous apprécions chez cet auteur les appareils de notes, très fournis, indiquant des sources souvent peu exploitées.
Il était naturel, sinon attendu que Gérald Messadié rencontre Jeanne d’Arc, cette haute figure historique, entre mythe et réalité. L’histoire, aussi scientifique soit-elle, n’est jamais une histoire du réel mais une histoire sur les discours sur le réel. Les interprétations, les distorsions, les omissions, volontaires ou non, offrent des tableaux souvent très éloignés de la réalité ou parfois du simple bon sens. Gérald Messadié a fait le choix du roman historique pour mettre au sol les images d’Epinal enseignées à l’école ou dans les cours de catéchisme, les préjugés et les stéréotypes et tenter d’approcher certaines réalités encore accessibles au sujet de la dite Pucelle d’Orléans.
« L’histoire de Jeanne d’Arc, nous dit-il dans une note liminaire, a souffert jusqu’à récemment de pareilles dérives. Tandis que l’immense majorité des auteurs, y compris Jules Michelet et Gabriel Hanotaux, exaltaient le personnage jusqu’aux limites de l’emphase et de la mythologie, d’autres s’acharnaient à lui refuser toute dimension exemplaire, voire la traînaient dans les caniveaux de la fureur républicaine. »
Au fil de l’intrigue, passionnante, Gérald Messadié pointe plusieurs faits historiques qui permettent de mieux comprendre qui était Jeanne d’Arc et quelle fut sa fonction. Parmi ces faits, neuf sont de première importance.
« Neuf faits indiscutables, annonce l’auteur, démontrent que Jeanne d’Arc ne s’introduisit dans les cercles fermés du pouvoir et n’atteignit à la notoriété que parce qu’elle était la demi-sœur du Dauphin Charles. La popularité que lui valut sa défense du sol national et de la royauté de droit divin correspond certes au récit des traditionnalistes, mais elle fut soutenue par des acteurs dont ces derniers ne semblent même pas avoir soupçonné l’existence ; ainsi de Yolande d’Aragon, reine sans couronne de France, et banquière de l’Ordre de Sion, héritier de l’Ordre des Templiers. »
Parmi ces faits nous trouvons les liens particuliers entre la famille d’Arc et la famille royale, la dissimulation de la naissance d’une fille de sang royal, l’hostilité envers Jeanne d’Arc à la cour du futur Charles VII, les interventions politiques de Jeanne d’Arc incompatibles avec un statut de bergère, une lettre de Jeanne d’Arc où elle s’affirme et apparaît bien comme « chef de guerre », etc.
Le récit proposé au lecteur par Gérald Messadié nous présente une autre Jeanne d’Arc que celle inventée par l’histoire officielle. Il permet d’interroger les discours convenus et d’établir de nouvelles hypothèses et de nouvelles responsabilités. Les témoignages de l’époque sont souvent contradictoires, ils sont aussi, comme tout témoignage, sujet à caution. Le croisement des informations recueillies, la logique également, permettent d’envisager une autre Jeanne d’Arc, en mission politique, sûre de ses prérogatives, habile en politique et en diplomatie et incontestablement préparée, notamment au combat, probablement par Yolande d’Aragon et ses proches.
Nous relèverons toutefois quelques erreurs notamment sur l’histoire templière. Gérald Messadié omet de préciser que la charte Larménius est un faux et ignore le rôle du Portugal, essentiel à la suite de la dissolution de l’Ordre du Temple. Ces erreurs n’enlèvent rien à la dynamique et à l’orientation générale de l’ouvrage.