Les secrets de Saint Jacques de Compostelle de Philippe Marti

Le pèlerinage à Saint Jacques de Compostelle connaît un renouveau significatif. Ceux qui vivent sur l’un des chemins de Compostelle constatent l’augmentation du nombre de pèlerins qui se rendent en Galice, moins aujourd’hui pour contempler les reliques supposées de l’apôtre saint Jacques que pour vivre une expérience spirituelle profonde, celle du voyage initiatique. Croyants et sportifs se mêlent sur les routes pour une aventure à la fois individuelle et collective.

Philippe Martin cherche pour nous les mythes et les secrets, nombreux, qui constituent la trame de ce pèlerinage exceptionnel qui attire des pèlerins du monde entier, solitaires ou en groupe.

« En marchant, suggère l’auteur, les membres de cette communauté aspire à une conscience plus profonde de soi, de l’univers, du sacré… Les quêtes sont innombrables. Chacun est concentré sur son objectif, mais les moyens pour parvenir au but sont multiples. »

De la méditation de pleine conscience à la mystique en passant par l’amour du patrimoine, les motivations sont multiples, comme les chemins.

Philippe Martin nous rappelle qui est saint Jacques. L’apôtre qui aurait évangélisé l’Espagne fut arrêté et décapité à Jérusalem lors d’un retour en Palestine. Ses disciples auraient ramené le corps à Compostelle. Cependant, rien ne permet d’affirmer que Jacques soit venu en Espagne. C’est au 7ème siècle que le mythe prend forme mais c’est avec Charlemagne et ses guerres espagnoles rendues célèbres par la geste de Roland que Compostelle acquiert de l’importance. La découverte sous le règne de Charlemagne d’un tombeau entraîne « l’invention de saint Jacques ». De nombreuses polémiques entourent les reliques, leur authenticité, leur transfert, leur dispersion. C’est donc un « saint bien politique » que nous présente l’auteur.

Après l’invention du saint, vient l’invention du chemin, du pèlerinage, ou plutôt des chemins, via tolosana, via podiensis, via turonensis, via lemoviscensis… :

« Disons-le nettement, le Chemin, cette route unique qui aurait drainé les foules européennes vers l’apôtre, n’a jamais existé. Si, aujourd’hui, se développe une mystique du chemin, la circulation réelle est plus complexe. Il y a des étapes obligatoires, imposées par la topographie, comme le col de Roncevaux, pour traverser les Pyrénées, ou par les capacités d’accueil, à l’image de l’hôpital d’Aubrac. Entre ces points, chacun tente de trouver la route qui lui convient : parce qu’elle est facile, parce qu’il y trouvera un gîte, parce qu’il souhaite voir une relique, parce qu’il espère trouver un petit travail capable de nourrir son pécule… »

C’est au XIXème siècle que se construit cette mystique du chemin. L’Eglise romaine verra tout l’intérêt à entretenir cette mystique et à l’organiser.

L’interrogation des évidences opérée par l’auteur ne nuit pas à la magie de Compostelle et du pèlerinage. En effet, les mythes demeurent, indépendants des réalités. Reliques, miracles, symboles enrichissent la dimension imaginale du voyage jusqu’au face à face, bref, avec saint Jacques et l’obtention de la compostela, l’attestation accordée par les autorités ecclésiastiques. Mais, davantage que ce bout de papier, c’est le rapprochement avec soi-même, l’expérience de la persévérance, du silence, de la méditation dans la marche, les belles rencontres, qui font la valeur de ce voyage. Certains pousseront jusqu’au Cap Finisterre qui porte, comme tous les finistères, d’autres mythes, d’autres spiritualités anciennes à découvrir.

Ce beau livre, de marcheur et d’historien, restitue la force du chemin de Saint Jacques de Compostelle, si vivant dans le temps et dans l’histoire, entre douleur et espérance.

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