Les métamorphoses de Bacchus ou l’essor du christianisme hellénistique

L’influence des philosophies grecques sur l’émergence et le développement du christianisme est certaine mais ses modalités sont difficiles à appréhender sans une pensée complexe, seule à même de rendre compte des processus multiples et entrecroisés à l’œuvre dans cet événement.

L’auteur démontre que le christianisme rompt en grande partie avec le judaïsme tout en conservant « les structures de l’Ancien Testament » :

« L’intrusion subreptice de la sagesse grecque dans le corpus dogmatique peut être imperceptible à bien des chrétiens, même les plus savants. Les chercheurs croyants sont, en permanence, immergés dans leurs certitudes qui sont assimilables à des œillères. (…)

Nous verrons donc si les représentations de la divinité, la doctrine de l’unicité de Dieu et divers autres aspects ne sont pas une synthèse ingénieuse réalité dans l’Antiquité tardive, par les docteurs de l’Eglise à partir des matériaux religieux à leur disposition. » La question d’une augmentation du judaïsme par la sagesse grecque est ainsi posée, nuançant le lien d’exclusivité parfois revendiqué entre judaïsme et chrétienté.

Saint Paul et saint Jean tiennent une place essentielle dans cette irruption grecque, Paul incarnant la coupure avec le judaïsme mais des prémices sont identifiées par l’auteur chez Marc et Matthieu.

Georges Soler puise dans les écrits des premiers Pères de l’Eglise d’Ignace d’Antioche à Saint Augustin, dont Clément d’Alexandrie et Origène dont ils confrontent les écrits avec les témoignages des opposants au christianisme comme Celse et Julien l’Apostat. Il observe les mouvements de syncrétisme, plus particulièrement les inscriptions de la mythologie grecque et de la puissante pensée grecque dans le christianisme, présentant Dionysos et Apollon comme des facilitateurs de la transition. Ainsi, tandis que les juifs rejettent les miracles de Jésus, ceux qui sont imprégnés des mythes grecs retrouvent des éléments familiers :

« Le parallélisme des légendes grecques et des dogmes révélés (des chrétiens) peut laisser entrevoir une certaine continuité entre les deux religions. Les Grecs convertis ont pu, ainsi amender les parties du judaïsme qui ne leur convenait plus après la grande rupture opérée par saint Paul. Ils ont orné l’existence terrestre de Jésus par des perfectionnements célestes tirés de leur subconscient religieux ancestral. »

Pour Georges Soler, « Les missionnaires chrétiens bénéficièrent autant d’une certaine proximité culturelle des stoïciens et autres platoniciens que de la décadence des mœurs religieuses. Cette combinaison étrange de ces deux éléments, qui peuvent sembler incompatibles, a forgé les bases de l’acceptation, par les gentils, de la Bonne Nouvelle. Leur réunion, au moment opportun, permit l’essor d’une doctrine, très exigeante dans le comportement personnel de ses adeptes, mais qui ne présentait pas de fracture insurmontable avec les thèses théologiques déjà apprises. »

Cet ouvrage, très bien construit et passionnant, permet de prendre en compte la complexité de l’expérience chrétienne historique, mais aussi sa richesse au carrefour d’héritages et d’influences multiples. Au final, c’est un christianisme très humain qui se dessine, fait de cheminements, d’hésitations et de questionnements.

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