Le Vide. Expérience spirituelle en occident et en orient

Cet ouvrage avait marqué les esprits lors de sa parution en 1969. Force est de constater que près d’un demi-siècle plus tard, il est toujours aussi nécessaire. En effet, nous continuons de rencontrer des personnes qui opposent orient et occident, animés par une pensée étriquée héritée du colonialisme.

La question du Vide, ou de son corollaire le Silence, est centrale à toute tradition initiatique et à toute philosophie de l’éveil. Elle anime également l’art, du classicisme aux avant-gardes. Plus encore qu’en 1969, nous sommes ensevelis sous la technologie et le factice, et plus encore, Vide et Silence constituent l’antidote naturel à la torpeur qui en résulte. Les enjeux de 1969 demeurent, l’urgence semble plus grande. Si un certain nombre de positions avancées en 1969 ne sont plus recevables aujourd’hui, l’ensemble de ces contributions restent une référence sur le sujet. « Loin de nous l’intention d’esquisser une synthèse ou de ramener à quelques communs dénominateurs les différentes formes prises par l’expérience du vide dans les principales traditions.

Il existe, certes, un monde de différence entre l’apophatisme chrétien, par exemple, et la vacuité bouddhique. Tous deux émanent cependant d’une expérience, mais leurs prémisses, comme d’ailleurs les conclusions, sont diamétralement opposées : l’une affirme l’ineffabilité de l’Etre, l’autre nie catégoriquement cet Être comme d’ailleurs l’âme individuelle ; tout est absolument vide de substance. »

Cet extrait de l’introduction présente une vision très réductrice et erronée. Il est fait référence ici à certaines formes de bouddhisme mais les grandes métaphysiques non-dualistes, notamment la doctrine de la Reconnaissance portée par Abhinavagupta, qui s’est opposé à certains penseurs bouddhistes sur ce point, ne nient pas radicalement l’Être. Elles véhiculent l’expérience de la non-séparation et de l’inclusivité absolue. Le rapport au Vide détermine parfois une absence alors qu’il conduit à une plénitude. Il est d’autant plus curieux d’introduire ainsi l’ouvrage quand la première contribution, majeure, est signée de Lilian Silburn, grande spécialiste du shivaïsme du Cachemire et traductrice d’Abhinavagupta.

« Ainsi, dit-elle, le vide donne relief et intensité aux êtres et aux choses qu’il enveloppe, il les situe à leur juste place et permet leur vivante interpénétration. Vide ou énergie vacuitante, pénétration et plénitude dépendent donc les uns des autres et engendrent une manière nouvelle d’éprouver et de comprendre. Dès que les cavernes de l’entendement et de l’imagination sont vacantes, l’essence divine se révèle : mais on pourrait aussi bien dire qu’une chose indicible s’infuse constamment dans l’intime de l’être et le vide de son contenu ; trop subtile pour être appréhendée, elle produit l’impression d’une étrange vacuité ; reconnue ensuite, elle devient plénitude ; trop puissante, elle cause ivresse, extase et ravissement. Mais à leur tour, des états qui ont d’abord fulguré comme plénitude apparaissent comme vide une fois dépassés.

En fait le vide mystique est d’une richesse inépuisable… »

L’approche de l’ouvrage ne tend pas vers l’étude comparée mais vers une exploration de chemins qui invitent à emprunter, ou créer, d’autres chemins tant cette intimité fondamentale est absolument créatrice.

Outre Lilian Silburn, nous retrouvons dans ces pages de nombreux auteurs, de Beeckett à Susuki en passant par Tauler, Heidegger, Alexandra David-Neel ou Cioran. Nous croisons dans ces pages Boehme Nicolas de Cuse, saint Jean de la Croix, Bouddha, Daumal, Milosz ou Hadewich d’Anvers ou les maîtres-architectes de l’Islam.

A l’infinie richesse du Vide correspond une infinité d’expériences réalisatrices et une grande fécondité des auteurs qui laissent perdurer ainsi un écho de l’ineffable.

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