Errances spiritualistes. Les chemins de l’ajournement

Ce petit livre est très intéressant. Le propos de l’auteur fera écho à nombre de chercheurs sincères engagés depuis longtemps dans une quête spirituelle et qui restent insatisfaits. Henri Damay rend compte, sans ostentation, d’un parcours, parfois chaotique, parfois constant, toujours impliqué, avec sincérité, restituant en quelques mots efficaces des expériences, favorables ou défavorables, partagées par le plus grand nombre quels que soient les cheminements. Ce témoignage montre comment le monde répond au désir de spiritualité et comment cette réponse nous détourne le plus souvent de notre véritable nature.

Après un temps qui, vu de l’extérieur, peut être qualifié d’errance spirituelle, Henri Damay s’inscrit durablement dans le bouddhisme tibétain. « Un jour arriva pourtant où je réalisais que les changements de comportement qui s’étaient produits en moi commençaient à m’apparaître comme un peu sujets à caution.

En effet, je me rendais compte que mes réactions étaient devenues bizarres. Je devenais compatissant avec des personnes qui m’avaient nui gravement, je pardonnais les écarts de comportement à mon égard ; c’était comme si je m’étais créé une nouvelle autorité intérieure.

Je pris alors conscience qu’il s’était constitué en moi un genre de surmoi à base de conditionnements bouddhistes ; ce surmoi était aux aguets pour surveiller et corriger les pensées et réactions primaires qui se manifestaient d’instant en instant, pour les transformer selon les normes bouddhistes.  Je compris alors que, pendant cette phase bouddhiste, je n’avais fait que me reconditionner avec les conceptions de ces puissants enseignements. »

Cette lucidité manque beaucoup aujourd’hui qui voit nombre de personnes remplacées un conditionnement profane par un conditionnement jugé plus spirituel. Une prison, plus ou moins dorée, en remplace une autre. Cette prise de conscience fut pour l’auteur le point de départ d’une démarche davantage non-dualiste, une approche directe, subitiste. La « liquiditation » de la personne laisse place à l’être, sans besoin, sans identification, sans conditionnement. Par questionnement, par petite touche de néant, par exploration des entre-deux, Henry Damay connaît une décontraction de la conscience, un silence hautement créateur.

« Comment allons-nous réaliser que nous sommes un corps fait de nourriture mais aussi un néant apparent dans lequel toutes choses arrivent ?

Pour une bonne compréhension, ce néant peut être nommé force de vie, sensation d’existence, instant présent, absolu impersonnel, etc. Le summum de l’incompréhension va surgir du fait que cette force de vie est nous-même dans notre état non manifesté.

Ici, l’oxygène de raréfie, seule l’entrée dans le non-savoir peut transcender l’impuissance du mental à pouvoir comprendre.

Que nous reste-t-il pour aller plus loin ? Un silence qui est la base du non-savoir. Peut-être que ce cul de sac pourra-t-il s’avérer salutaire si nous ne le refusons pas ? Que ressentons-nous dans ce silence ? Une sensation d’existence à l’état pur, quintessence de l’essence du corps.

C’est là que commence le voyage au bout de la pensée. Toutes connaissance basée sur un concept n’est pas une vraie connaissance. » Le témoignage, franc, d’Henry Damay, est précieux. Il intéressera les « sans-maîtres » ; les autres aussi.

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