C’est un thème essentiel à la Franc-maçonnerie et au-delà à toute tradition et toute philosophie qui se doivent d’interroger les fausses évidences de Babel. Nous baignons dans la langue, souvent inconsciemment, comme le poisson dans l’eau mais qu’en est-il de la Parole, cette Parole perdue, antérieure à toutes les langues, sacrées ou non. Il s’agit, nous dit Sophie Perenne, d’une « réalité d’un autre ordre ». Son propos débute sur une analyse de l’oralité et de l’écrit, deux modalités qui interrogent la mémoire, l’interprétation, la confusion entre le mot et l’objet désigné par le mot. En écho avec les mythes traditionnels d’un Paradis, perdu lui aussi, ou à venir, les traditions évoquent une parole initialement créatrice dont le prolongement dans nos vies implique une altérité consciente.
« Il y a, dit Sophie Perenne, les paroles qui construisent le psychisme, fondement de notre humanité, dont le déficit empêche d’évoluer (prison, isolement…), et celles qui reconnaissent l’autre comme un sujet : paroles d’accueil, de paix, de respect, de guérison. Jésus s’adressait avant tout à ceux qui souffrent d’un deuil, de névroses, d’un mal et/ou d’une exclusion (lépreux, femme hémorroïsse, femme adultère, samaritaine), pour les délivrer de leur peine, de leur culpabilité, de leurs démons, pour leur restituer leur dignité et affirmer leur place dans la société. »
Notre rapport au nom reste ambivalent. Nommer, c’est créer mais c’est aussi prendre, souligne Sophie Perenne, ce qui explique certains interdits à prononcer le nom de Dieu ou des dieux. Enfin, c’est par la prise de conscience du « déjà et pas encore » que nous restituons à la Parole sa fonction opérative.
La Parole est cachée, comme Dieu est caché et pourtant l’une et l’autre évidents de présence. Mots de passe et mots du grade sont autant d’indices de cette permanence.
L’ouvrage se termine sur la langue des oiseaux qui invite à établir un autre rapport à la langue, un rapport qui, plutôt que de le figer, libère le sens.