Les chemins de la profondeur de Marie-Madeleine Davy

Ce livre rassemble des textes et entretiens publiés dans les revues Question de, Nouvelles Clés, Terre du Ciel. Cette juxtaposition de précieux moments de pensée témoigne de la profonde spiritualité, de l’exigence intellectuelle et de la vaste ouverture au monde et à l’autre de Marie-Madeleine (ou Magdeleine) Davy (1903-1998).

Quelques extraits permettent de mesurer la puissance de sa pensée :

« Les mystiques possèdent une expérience de Dieu, c’est pourquoi ils sont discrets quand il s’agit de parler de Dieu. L’Eternel se cache afin d’être cherché et trouvé. L’expression quaerere Deum est significative, cependant on peut craindre que le mouvement de recherche soit tel qu’il existe un risque, celui de ne plus savoir discerner les instants où il n’y a plus à chercher. Le Cantique des Cantiques illustre ce que je voudrais ici signifier. Ce chant contemplatif – theoricus sermo, selon l’expression de Bernard de Clairvaux – est à la fois celui de la recherche et de la rencontre. Quand il y a rencontre, il n’y a plus rien à chercher. Cette rencontre s’opère quand Dieu naît dans l’âme et l’âme en Dieu. Maître Eckhart a magnifiquement parlé de cette double habitation : elle est un mystère. »

Marie-Madeleine Davy fait souvent référence à Maître Eckhart dans ses propos mais elle s’appuie également sur la philosophie grecque et sur les apports des philosophies orientales, d’autres encore dont Massignon, dans une approche intégrative : « plusieurs chemins, un seul but ».

« Dieu n’est pas nommé. On a aussi perdu son propre nom. Les Personnes divines deviennent actives au-dedans. Elles ne sont plus à distinguer dans leurs opérations propres. Encore une fois, tout est Un. Dès lors, le consentement à l’arrachement de soi-même cesse de se présenter. Toute appartenance s’efface. Durant son cheminement, l’homme pouvait dans les moments cruels se tourner vers son passé, désirer revenir en arrière. Désormais, aucune trace de voie, ni en-deçà ni au-delà. Un présent qui englobe le passé, le présent et l’avenir. Plus de culpabilité ou de pesanteur, d’où qu’elles puissent venir. Rien d’autre que l’instant, uniquement l’Un, la sainte unité et son mystère comprenant la révélation des secrets. Tout se déroule au-dedans au sein d’un profond silence et se répand au-dehors tel un vase dont le contenu déborde.

On comprend d’une façon foudroyante que le temps s’inscrit désormais dans l’éternité. »

Méditation, silence, verticalité, solitude sacrée, espace interne… qualifient cette voie vers le Simple, vers l’Un, de la dualité à une non-dualité qui ne se dit pas. Marie-Madeleine Davy évoque avec justesse un érémitisme intériorisé.

D’une grande lucidité sur le monde et ses incapacités, elle énonce clairement les paradoxes dans lequel se trouve l’éveilleur :

« Le silence se découvre dans la mesure où il est vécu sans tricherie, au-delà des jeux, des mensonges, des pseudo-compassions, des pulsions de la chair et de la psyché, du tumulte des pensées et des  désirs. Il est évident que le dire et par conséquent l’écriture concerne l’écorce, les pelures et non l’amande que seul le silence intérieur atteint.

Mais qui éprouve le goût de l’amande sinon pour en parler ? »

Cette lucidité tranquille, née de la connaissance, se révèle avec bienveillance quand il s’agit d’évoquer le vieillissement et la mort qui vient :

«  Vieillir, l’âge, c’est une épreuve, mais cependant il y a quelque chose d’extraordinaire, il y a quelque chose que je vis personnellement et qui me concerne, que je touche. On devient son père et sa mère, on s’enfante. Il y a un enfantement qui se produit dans la vieillesse et qui est inimaginable. On s’enfante dans le secret, et si on accepte cet enfantement, si l’on accepte d’être son père et sa mère, un nouveau chemin se dessine. Je dirais un chemin d’éternité, peut-être, un chemin qui dépasse le temps en tout cas. J’affirme cela, et j’ai à cet égard une certaine expérience. C’est quelque chose dont on ne peut pas parler, c’est quelque chose… qu’on aime, qui rend heureux, et cela aide non seulement à supporter le vieillissement, mais cela rend aimable, agréable. On est heureux de vivre parce que l’on apprend quelque chose de nouveau : un nouveau jour, une nouvelle lumière, un nouvel amour qu’on aimerait pouvoir infiniment partager. Donner, donner dans le secret, dans l’invisible, dans l’inconnu, mais partager. »

Laisser libre la place pour l’être, et l’Être, regarder avec sérénité le chemin se dissoudre lui-même, vivre totalement cette non-séparation qui est une renaissance, Marie-Madeleine Davy exprime la Beauté du voyage intérieur.

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