Les fêtes maçonniques de Saint-Jean d’été sont souvent des temps de fraternité et de convivialité. Peu de participants sont conscients de la dimension initiatique du rituel pratiqué en cette occasion. Alain Pozarnik reprend le rituel phrase par phrase pour mettre en évidence la solarité initiatique qu’il véhicule.
Il s’appuie pour ce faire sur le très beau et très simple rituel de Cérémonie de Saint-Jean d’été du Rite Ecossais Ancien et Accepté de la Grande Loge de France dont il fut le Grand Maître de 2004 à 2006. Cette cérémonie peut être ouverte aux profanes, le plus souvent des proches des membres de l’Ordre. Son propos dépasse cependant le cadre maçonnique pour concerner le monde initiatique en général ou même toute vie qui se veut réellement consciente d’elle-même. En cherchant à restaurer le rapport créatif avec la nature et ses cycles, il cherche aussi à rétablir le lien de tout être humain avec sa nature originelle et ultime.
Le processus célébré lors de la Saint-Jean, est celui de la vie, de la mort et de la vie. L’observation attentive de ce que la nature donne à voir, de ce que l’Univers livre de lui-même, oriente l’observateur dans son propre mystère vers la finalité de l’expérience humaine.
Chacune des phrases simples du rituel est riche d’enseignements oubliés. Un exemple :
"Dès cette deuxième phrase du rituel, le Vénérable Maître nous dit : "Veuillez prendre place." Il nous propose de prendre notre place ici et maintenant, là où nous sommes, dans un temple maçonnique, sur le chemin de la recherche de la vérité, du sens merveilleux de la vie, sur Terre, dans la société, l’entreprise, la famille. Partout où nous nous tenons, du relatif à l’absolu, de la haine à l’amour, du matériel au spirituel, de ce qui est incompris à ce qui est compris, nous avons une place à occuper, une place matérielle et spirituelle. Une place majestueuse d’où l’immensité de notre humanitude rayonne ou au contraire une place étroite, étriquée, misérable d’où s’exprime les limites de l’héritage de notre naissance biologique marquée par les strates de nos cultures et expériences.
La conscience de cette place nous fait habituellement défaut tant ce qui nous intéresse est l’espérance d’en occuper une autre ou de faire semblant d’être digne de l’occuper déjà."
Se rappeler à soi-même, connaître ses conditionnements, être présent ici et maintenant, accueillir ce qui se présente. Premiers pas sur la voie. Les plus difficiles. Nous sommes le plus souvent dans le déni de l’être.
"La fraternité c’est le contraire de l’ignorance, des cachotteries et des conflits, le contraire de l’écran de fumée derrière lequel nous nous réfugions pour ne pas reconnaître le visage humain de l’autre, pour ne pas nous laisser envahir par la nature du monde qui nous semble tellement éloignée de nous-mêmes et qui pourtant pourrait nous expliciter les mouvements essentiels du devenir de notre Être dans son rapprochement avec l’éternité des cycles de lumière.
La fraternité se travaille et s’éduque, notre humanité se construit dans et avec notre monde. Il s’agit là d’une démarche tout à fait personnelle, d’une sensibilité attentive, d’une modification volontaire de nos sentiments, de nos pensées et de nos comportements. Cette prise en main de nous-mêmes par nous-mêmes constitue un vécu difficile, un mouvement de dépassement, une expérience concrète de transcendance loin des purs concepts."
Le passage de l’ombre à la lumière, exige la reconnaissance de l’ego comme un simple objet vide. L’identification à ce "moi" envahissant devenue impossible, la lumière réapparaît :
"Dans la place intérieure laissée libre par l’ego abandonné, l’Être intérieur commence à émerger, à vivre. La volonté vient de lui, la liberté vient de lui, son vouloir est celui qui anime toute vie dans l’univers. Nous voyons le chemin du devenir, de la métamorphose, du dévoilement."
Il n’est pas question ici de voie subitiste mais bien de voie gradualiste dont il convient de goûter chaque étape car chacune des étapes de ce procès initiatique contient la totalité du chemin et doit être appréciée à la fois comme partie et comme tout, comme temps et non-temps. Le temple, tout intérieur, se construit pierre après pierre mais avant même la pose de la première pierre, l’édifice est déjà présent, déjà et pas encore.
"La cérémonie de Saint-Jean d’été est une célébration de notre métamorphose possible. Elle nous invite à passer du grain de blé à l’épi puis à la farine et au pain pour que nous devenions nourriture ou à passer de la grappe de raisin au jus de fruit puis au vin après fermentation. Par cette cérémonie de Saint-Jean nous célébrons une forme naturelle d’évolution qui nous permet de devenir nous-mêmes par un savant travail personnel, d’aimer l’homme à venir sans nous opposer à ce que nous sommes déjà, de nous mettre allégrement en chemin. Nous abandonnons notre ego à son sort, nous le dépassons pour être fidèles à notre vie profonde, mouvante et nous devenons l’humain promis par la nature dans ses mouvements épousés.
C’est ce devenir en germe, ce devenir possible qui est éminemment respectable chez chacun d’entre nous, même chez ceux qui ne sont pas encore dans le processus alchimique de leur vie vers une évolution infinie."
Alain Pozarnik clôt ce livre lucide, profondément humaniste et ajusté à la vie courante par ces mots qui nous renvoient à la place qui est la nôtre :
"Dans ce devenir inconnu, accessible à tous ceux qui ont franchi la porte des hommes et se dirigent vers la porte des dieux avec vigilance et présence à ce qui est dans le mouvement de l’univers, la vie trouve l’amour et dans ce cœur de lumière se manifeste l’éternité infinie du passé et de l’avenir.
La connaissance peut nous habiter et, dans la perspective de la création universelle, nous trouverons alors notre place en notre Être intime et infini."
Editions Dervy, 19 rue Saint-Séverin, 75005 Paris, France.
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