Le shivaïsme du Cachemire constitue une forme traditionnelle remarquablement aboutie, une métaphysique de la liberté sans équivalent de part le monde, en même temps qu'un art de vivre l'Absolu, ici et maintenant.

Daniel Odier nous propose de pénétrer le shivaïsme par l'un de ses textes les plus importants, le Vijnânabhaïrava, écrit au début de notre ère dans l'école shivaïte du Cachemire, école qui nous est connue notamment par les travaux de Lilian Silburn, spécialiste d'Abhinavagupta. Ce texte est considéré comme la "quintessence de tous les tantra". Ce texte qui vise à faire basculer dans l'immédiatement du Réel absolu, rassemble probablement "la somme la plus extraordinaire des moyens yoguiques jamais réunie". Le yoga proposé ici ne laisse de côté aucun aspect de la vie, aucune expérience. Tout est matière à l'oeuvre.
Le pratiquant est invité à une simplification radicale jusqu'à l'Etre, restituant au néant toute dualité. La particularité du shivaïsme, comme de certaines traditions comme le Tchan, le Dzogchen, certaine forme de Kalatchakra, ou certaines formes traditionnelles occidentales, est de confier d'emblée au chercheur l'arcane relatif à l'Absolu. Ainsi l'axiome tantrique nous dit:
"Tu es Shiva
Shiva est le Soi
Illuminé depuis toujours
Sans naissance, ni mort
L'Univers est le jeu de la conscience."
Daniel Odier précise:
"C'est à cette non-dualité essentielle que tout l'enseignement se ramène et c'est en ce sens qu'il n'y a dans le tantrisme shivaïte, au sens absolu:

-ni divinité hors de soi;
-ni voie à parcourir pour atteindre la délivrance;
-ni souillure, ni purification;
-ni dualité, ni non-dualité;
-ni rituel, ni pratique;
-ni lien ni libération.
Il suffit de reconnaître spontanément le Soi."
L'ouvrage est divisé en trois parties. La première partie propose au lecteur le texte non commenté afin d'autoriser une rencontre libre et authentique avec le texte et ce qu'il porte en lui d'absoluité. La deuxième partie présente le texte dans son contexte shivaïte et rappelle les fondamentaux du shivaïsme, notamment la notion de lignée. La troisième partie constitue un commentaire du Vijnânabhaïrava. Les commentaires sont de deux ordres, métaphysique et pratique, que l'on aurait tort d'opposer, car métaphysique et pratique sont un. Ce sont les points essentiels de toute "voie du réel" qui sont ici identifiés, yoga de l'espace et de la lumière, yoga de l'obscurité, yoga des sens, yoga du rêve, yoga de l'extase originelle, yoga du feu, yoga de la non-dualité, kundalini-yoga,.
Après la conclusion, hymne à Shakti, Daniel Odier rappelle ce qu'est la voie du tantrika, voie simple et difficile, dans un monde qui aime ce qui est facile et complexe.

"Moi, Lalla, en mon coeur
J'ai franchi la porte du jardin.
O joie! J'ai touché Shiva et Shakti enlacés
Et j'ai bu le nectar au lac de leur extase.
Vivante, morte au monde, vivante!

Une fois le soleil couché, la lune se dessine.
La lune disparue, la Conscience demeure.
La Conscience allée, reste la spatialité.
Les trois chants: frémissement de vie,
liberté sacrée et béatitude s'y dissolvent.

Comme la lune allait disparaître
J'ai chanté la folie de mon coeur tourmenté
mis à nu par l'amour de Shiva.
J'ai crié: Je cherche la vérité! Je cherche la réalité!
Le rubis du Soi éveillé, je m'y suis absorbée
et mon corps est devenu le réceptacle du divin."

Extraits de Lalla, Chants mystiques du tantrisme cachemirien, à paraître au Seuil, Points Sagesse, présentation et traduction Daniel Odier.

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