Claude Tannery, dont on se rappellera les essais pertinents sur André Malraux dont il est un spécialiste, renoue avec le roman, genre qu’il a déjà abordé avec L’éveil, en 1977, Le nabot de Purpurac, en 1980 ou Le cavalier, la rivière et la berge en 1989.

Ce roman, d’une facture fort différente, se présente comme une chronique de vie qui laisse au lecteur le temps de dénouer les intrigues du monde à travers la correspondance qu’entretient Ludovic, le narrateur, avec une amie lointaine Evelyne, ou à travers les notes quasi quotidiennes rédigées par Ludovic sur les événements surprenants de la vie au Pressoir, où désormais, il vit et travaille..
Le Pressoir, vaste demeure, est le lieu où Madeleine et Paul Moreau se cherchent et s’évitent, sous les yeux d’une nuée de domestiques. C’est aussi le lieu où se retrouvent, les dimanches, les représentants de ce que Claude Tannery nomme l’Urboisie, la très haute finance internationale qui a su arracher le pouvoir aux politiciens, mettre les bourgeois hors jeu, se jouer des démocraties comme des dictatures.
Le Pressoir est aussi le lieu où les amours sont impossibles, non pas étouffés dans l’œuf, mais décapités dès qu’ils s’épanouissent.
Au milieu de cette prison inavouée, la beauté, l’harmonie, l’esprit nomade, l’être en quête se fraient tout de même un passage au cœur de la forêt des sombres intentions humaines.
Roman finalement optimiste, Un printemps d’éternité, bénéficie d’un temps élastique et tendre, à une époque où les romans sont pris de saccades et de soubresauts. Les références à l’art sont nombreuses, jamais envahissantes. Le lecteur se laisse doucement capter par cette demeure où se résume le monde sans jamais se démettre. Hymne discret à l’aléatoire, ce livre, d’écriture classique, est résolument contemporain par ses idées et ses thèmes.
« J’ai résisté pendant deux mois. Hier j’ai accepté. J’ai décidé d’écouter la voix lancinante qui me demande de tenir la chronique de la vie, si surprenante, dans cette grande maisonnée, Le Pressoir, où je suis arrivé début septembre.
Pour m’y résoudre j’ai dû faire appel, une fois de plus, à L’éloge de l’incertitude. Je l’ai adopté comme modèle, il y a longtemps déjà. Il m’a appris à me libérer, non sans mal, de la rage qui nous pousse à chercher tout de suite des réponses aux questions qui nous harcèlent ; des réponses dont nous devenons prisonniers. Il est plus sage et surtout plus beau d’attendre que la vie apporte sa réponse, la sienne, mais pour y parvenir il faut un long combat. »

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