Nombreux, trop nombreux, sont les Francs-maçons qui n’ont jamais lu la Bible, ce « Volume de la Loi sacrée » qui se trouve au cœur de la plupart des rites maçonniques.
Un anticléricalisme maçonnique crispé et dépassé, autrefois justifié mais aujourd’hui sans fondement, n’explique pas à lui tout seul la désaffection pour un texte fondateur à la fois de notre culture et de nos traditions.
Le travail, tout à fait remarquable, de Francis Ducluzeau, permettra sans doute à de nombreux maçons de jeter un « regard initiatique sur les grands thèmes de la Bible ».
Francis Ducluzeau cite Eugène Drewermann pour nous inviter à « lire la Bible non plus comme un livre historique, mais comme un ouvrage nous révélant symboliquement ce qui vaut pour tous les temps. C’est une lecture herméneutique et initiatique qu’il propose très intéressante du point de vue métaphysique et du point de vue opératif car cette lecture soutient le travail de ceux qui persistent à voir dans la Franc-maçonnerie une voie d’éveil. Notamment quand il invite à passer d’une vie subie à une vie choisie, à distinguer un moi de surface d’un « Je suis » a-temporel :
« Ce moi de surface, ce n’est pas notre nature vraie. Pourtant, notre être essentiel est toujours là, sous notre carapace de surface mais nous ne nous donnons pas la peine de le découvrir ou de le reconnaître. Comment y avoir accès, si ce n’est en prenant conscience de ce vrai « Je suis » dont parle Jean. Ce « Je suis » c’est notre moi libéré de l’ego et l’ouverture du chemin qui y conduit. C’est la « dédramatisation » de tous nos « mal-êtres », « mal-aises », « mal-heurs », parce que nous ne cessons de n’être préoccupés que par ce que nous pourrions nous approprier. Le monde dans lequel nous vivons est le monde de l’absence, absence de vérité, absence d’aspiration spirituelle, absence d’amour, absence de discernement, absence de véritable présence à nous-mêmes, comme si nos innombrables émotions nous empêchaient d’être vraiment là. En fait nous nous cherchons. Nous sommes absents de notre être essentiel. Et c’est cette dualité qui est la cause de nos souffrances. Là se trouve la révélation qui nous fait connaître l’enseignement de Jean. »
Francis Ducluzeau interprète les nombreux récits symboliques, les paraboles, les métaphores de la Bible à partir de cet axe essentiel de l’Être, du « Je suis », accessible justement en chambre du milieu, référence à un royaume du centre qui ne peut être que le royaume où l’Être, plutôt que l’étant donné, règne.
« Ce « Je suis » est plus qu’une formule. C’est d’abord une incitation à travailler sur nos préjugés, nos émotions, nos projections, et à mieux contrôler notre mental et ses représentations négatives, et c’est aussi une approche plus précise de ce que René Guénon appelait le Soi. Le « Je suis » c’est le Soi qui se place au centre de notre être et y demeure, bien orienté. Ceci rejoint l’invocation du rituel maçonnique à l’ouverture de la Loge : « Que nos regards se tournent vers la Lumière ! » en une conversion du regard vers l’Être et ce « Je suis » qui nous habite. »
S’appuyant sur le texte sacré, l’auteur met en évidence la nécessité d’échapper aux conditionnements pour une Nouvelle Alliance, ici et maintenant. Il en découle une véritable tolérance envers les chercheurs d’où qu’ils soient, croyants ou non qui tous peuvent se retrouver dans ces pages qui renvoient le lecteur à sa propre intériorité, à sa propre dynamique initiatique.
La somme culturelle que représente ce livre sera aussi source d’inspirations pour des échanges fraternels aussi nombreux que fructueux car conduisant à une mise en pratique, dans la loge comme dans la vie.
Un livre fort pour le plaisir et pour l’instruction.