Après Marie-Madeleine, Jean-Yves Leloup fait revivre pour nous un autre personnage fort de la tradition biblique, Judas l’Iscariote ?
Ce n’est certes pas un hasard si ce roman paraît alors que l’on commence à parler d’un éventuel évangile de Judas dans la découverte d’un codex copte.
A travers le très humain Judas, c’est de l’homme qui chemine désespérément que nous entretient Jean-Yves Leloup. Ce sont les étapes, parfois douloureuses, de l’initiation qu’il décrit dans les épisodes mouvementés de la vie du Zélote. Mettant en scène les quatre Evangiles comme les textes apocryphes, Jean-Yves Le loup refait vivre pour le lecteur les événements majeurs de la vie de Jésus dont Judas apparaît comme un double obscur sans lequel la lumière christique ne saurait éclater.
La trahison de Judas prend alors un tout autre sens et pose la question traditionnelle du renversement des énergies ou des puissances qui fait appel à l’obscur pour invoquer le plus grand bien.
A la fin de l’ouvrage, Jean-Yves Leloup développe, confronte parfois, plusieurs regards sur le personnage de Judas, historique, mythique, philosophique, métaphysique, initiatique enfin.
« « Mourir avant de mourir », c’est ce qu’on appelle l’initiation. Dans Un homme trahi, j’ai voulu faire de Judas un « initié » dans le sens où (comme Yeshoua) il va au bout de lui-même, au bout de son humanité, qu’il épuise jusqu’à la mort.
Il va d’abord au bout de sa croyance et de son espoir dans le Messie, puis il les perd en les reconnaissant comme des projections illusoires. Sa foi et son espérance mourant avec l’image de son Messie, il va au bout de son désespoir, de sa chute ; il descend vraiment aux enfers et c’est là qu’ a lieu son grand « passage », sa Pâque, en écho à celle de Yeshoua. Au moment où il « perd » sa vie, et tout ce qui lui donnait sens : son Dieu, s aloi, sa justice, son Messie, alors il la « trouve ».
Au moment où il perd son « moi », épuisé par la désespérance, il trouve le « Soi ». « Plus moi que moi-même, tout autre que moi-même », il découvre le « Je Suis » qu’il est de toute éternité et dont parlait Yeshoua quand il disait : « Là où est « Je Suis » je veux que vous soyez aussi. »
L’aventure initiatique de Judas devient avec l’éclairage de Jean-Yves Leloup une voie d’éveil.
Judas, terriblement humain, totalement humain, totalement nous-mêmes.
Mais la dimension métaphysique est considérable comme le rappelle l’auteur :
« L’affirmation de « ce qui est » conduit à l’affirmation de « l’Être qui est et qui fait être ce qui est ». La négation de « ce qui est » conduit à la négation de « l’Être qui est et qui fait être ce qui est ».
L’affirmation ou la négation de « ce qui est » recouvrent l’opposition de deux réalités qu’on appellera l’Être et le Néant. Ces deux « réalités » n’ont de réalité que dans l’affirmation ou la négation de « ce qui est », ce sont des réalités psychologiques.
L’Être et le Néant décrivent le pouvoir d’affirmation et de négation de « ce qui est » par l’homme. La seule réalité ontologique, c’est « ce qui est » mais « ce qui est », qu’est-ce que c’est ? Ni Être ni Néant ? Certains l’appelleront l’Inconnu, l’Ouvert, la Vacuité… »
Bien davantage qu’un plaidoyer pour Judas ou une réhabilitation de Judas, ce roman-essai est à dimensions multiples, spirituelle, philosophique, métaphysique…