L'auteur sait de quoi il parle. Chargé de conférences à l'Ecole pratique des hautes études, docteur en pharmacie et docteur en études chinoises à l'INALCO, il est membre, dans le cadre du CNRS, du Groupe de recherche sur l'histoire des sciences et des techniques en Chine, en Corée et au Japon.
Il y a dans le travail de Frédéric Obringer une double approche qui en fait tout l'intérêt. Tout d'abord ce livre analyse dans le détail l'emploi fait en Chine ancienne et médiévale des produits toxiques dans un but thérapeutique. Nous savons, notamment en homéopathie, que certaines substances toxiques peuvent devenir bénéfiques si elles sont correctement dosées. Cependant, dans toute société, le rapport au poison est culturel et porteur de croyances profondes, non seulement dans le domaine de la médecine, mais dans celui de la magie et de l'alchimie, interne principalement.
Le lien entre poison et immortalité est donc essentiel à la compréhension de certains mécanismes mis en oeuvre dans les voies internes, non seulement comme métaphore d'un interdit particulier qui doit être transgressé, mais techniquement. C'est pourquoi l'aconit, poison rédempteur en Chine, avait attiré l'attention de Gustave Meyrinck, mais il est question aussi dans ces pages de l'arsenic, de l'orpiment ou encore de la célèbre poudre du manger froid. D'une certaine manière, tout ce qui éveille est à la fois médecine et poison, médecine d'immortalité dans l'intervalle du Silence et poison dans la périphérie bruyante des représentations, même sacrées. Il y a un art du poison comme il y a un art de l'éveil. La technique, indispensable, n'est qu'une dimension d'un jeu multiple et divin.