Mohammed Taleb propose au lecteur une matière riche, complexe, diversifiée, pour saisir en quoi la science, aujourd'hui, quand elle échappe à l'instrumentalisation des appareils politiques ou marchands, contribue au réenchantement du monde voulu, souhaité par nombre de scientifiques.

Michel Cazenave, Gilbert Durand, Philippe Jouët, Anne Perol, Claire, Wagner-Rémy, Jean-Jacques Wuneneberger apportent chacun une matière et un regard différent sur ce nouveau paradigme scientifique que cerne parfaitement pour nous Mohammed Taleb :
" Résolument non dualiste, car systémique, organique et holistique, la philosophie du nouveau paradigme scientifique nous donne une image nouvelle de l'homme et de son humanité. " Tigrée " est l'âme de l'homme selon la très belle expression du professeur Gilbert Durand à qui ce livre est dédié pour sa contribution au nouveau paradigme et à la réhabilitation de l'Imaginaire. Elle est tigrée parce que plurielle, polysémique, multiforme. Les archétypes, modèles originaires, puissances informes qui donnent forme, dynamique de sens qui font du chaos un cosmos, qui peuplent l'intériorité de l'homme sont, en lui, le réel qui résiste à la mutilation, à la " réduction objective " (Jean-Jacques Wunenburger : " Pour une subversion épistémologique ", dans La galaxie de l'imaginaire, dérive autour de l'úuvre de Gilbert Durand, sous la direction de Michel Maffesoli, Paris, éd. Berge International, 1980, p. 48). De son côté, le psychologue Carl Gustav Jung rappelle que les archétypes tissent en quelque sorte cette intériorité de l'homme : l'humanité de l'homme est impensable sans une pensée des archétypes et même une pensée archétypale. " Les archétypes sont donc doués d'une initiative propre et d'une énergie spécifique. Ils peuvent aussi, à la fois, fournir dans la forme symbolique qui leur est propre, une interprétation chargée de sens, et intervenir dans une situation donnée avec leurs propres impulsions et leurs propres pensées. A cet égard, ils fonctionnent comme des complexes. Ils vont et viennent à leur guise, et souvent, ils s'opposent à nos intentions conscientes ou les modifient de la façon la plus embarrassante. On peut percevoir l'énergie spécifique des archétypes lorsque l'on a l'occasion d'apprécier la fascination qu'ils exercent. Ils semblent jeter un sort. " (L'homme et ses symboles, Paris, éd. Robert Laffont, 1964, pp. 78-79). C'est cet ancrage archétypal de l'humanité de l'homme qui lui assure l'indétermination essentielle de sa réalité intérieure. Le réenchantement du monde appelle une anthropologie négative. "
Mohammed Taleb met en évidence une cohérence, voire une parenté entre la philosophie du nouveau paradigme scientifique, auquel il nous introduit, la psychologie des profondeurs de Jung et la sociologie des profondeurs de Gilbert Durand. Pour ce nouveau paradigme, il insiste sur la nécessité d'un troisième langage médiateur entre celui de la science et celui de la société contre une alliance destructrice entre la modernité capitaliste et les technosciences. Il en appelle aussi, entre autres références, à la Process Philosophy de Whitehead.
Ces fragments ne sont pas destinés à se mettre en place en un puzzle parfaitement ajusté au fil de notre lecture, ils constituent autant de nouveaux vaisseaux d'exploration d'une aventure humaine qu'il nous appartient de tisser.
Les contributions, les entretiens de ce livre, d'une grande richesse, sont complétés d'un glossaire, d'une série de portraits de penseurs de ce nouveau paradigme, Louis de Broglie, Niels Bohr, Fritjof Capra, etc, d'une très complète bibliographie commentée, d'un index thématique.
Un livre passionnant, pertinent et tout simplement utile.

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