Le voyage ou la conquête des mondes

Une fois rappelée l’hétérogénéité et la complexité de la réalité telle qu’elle s’offre à nous, Michel Maffesoli examine les possibilités et les nécessités de l’alternative nomade, du voyage. Le nomadisme, l’errance, sont nécessaires à tout ensemble social pour échapper à la fonctionnalité outrancière et reconquérir, réellement ou illusoirement, une certaine liberté. 

« Le voyage, écrit Michel Maffesoli, peut-être considéré comme une constante anthropologique qui, toujours et à nouveau, n’arrête pas de tarauder chaque individu et le corps social en son ensemble. L’intérêt croissant pour la maçonnerie dans la jeunesse contemporaine trouve là son fondement ? »

Dans les pas de Camoens, et de ses fondatrices Lusiades, Michel Maffesoli souligne les liens entre errance, beauté et chevalerie, jusqu’à évoquer le Sébastianisme et la saudade, si caractéristiques du sens du voyage du peuple portugais, voyage physique et voyage spirituel.

L’errance, loin d’isoler, contraint à « se lier et se délier », à partir et revenir. Michel Maffesoli parle d’un « enracinement dynamique » :

« L’on est d’un lieu, on crée, à partir de ce lieu, des liens, mais pour que celui-là et ceux-ci prennent toute leur signification, il faut qu’ils soient, réellement ou fantasmagoriquement niés, dépassés, transgressés. Il s’agit là d’une marque du sentiment tragique de l’existence : rien ne se résout dans un dépassement synthétique, mais tout se vit dans la tension, dans l’incomplétude permanente. »

Dès lors, l’altérité doit être reconsidérée : « Il y a, dit-il, une étroite liaison entre le voyage, l’initiation et l’étranger. Pour le dire en des termes quelque peu fonctionnalistes, ce dernier est un bon moyen pour intégrer les bénéfices de la mort symbolique, pour tirer son profit du négatif, et ce afin d’accéder à un plus être, de quelque ordre qu’il soit. »

Ce bref essai, à la fois très personnel et impersonnel, explore les possibilités de la dualité nomade ou vagabonde. Tant de tensions et donc tant de possibilités sont offertes que le voyage se révèle, autant par nature que par nécessité, initiatique. Cependant, le paradoxe des polarités peut resurgir de façon inattendue, le voyage est sans cesse recommencé et achevé.

Source : La Lettre du Crocodile

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