Laurent Jouvet propose une nouvelle traduction des strophes du Samkhya suivie de commentaires qui cherchent à mettre en évidence un chemin pratique vers l’éveil.
Le Samkhya est souvent associé au Yoga Sûtra de Patanjali, le premier étant qualifié de métaphysique et le second de pratique. Cependant, Laurent Jouvet note combien le Samkhya est lui-même porteur d’une pratique de libération.
En préambule, il explique au lecteur comment lire ce texte :
« Les textes anciens de l’Inde pensent souvent d’une manière différente de la nôtre. Ils présentent leur réflexion sous forme de cercles concentriques, et non sous la forme d’un fil de pensée unique et linéaire, comme souvent en Occident. L’essentiel est dit au début, puis on revient par couches successives pour aller dans le détail et les précisions. L’erreur occidentale consiste à vouloir à tout prix comprendre immédiatement ce qui est dit dans une phrase, alors que cela sera expliqué plus tard. »
Remarquons que cela n’est pas spécifique à la pensée indienne mais se retrouve dans des textes traditionnels de nombreuses cultures, y compris occidentales. Laurent Jouvet, très conscient des enjeux de l’interprétation de textes dont nous sommes séparés par plusieurs siècles, invite le lecteur à lire ce texte « comme le miroir de sa propre expérience » et distingue deux grands cycles dans le texte, l’un ayant pour finalité le bonheur, l’autre, la libération.
Il voit dans ce texte, en fait hétérogène par la pluralité de ses sources, une « cartographie de l’âme » permettant de se libérer du mal-être comme de l’illusion. C’est une suite de petits traités dont l’ensemble fait cohérence. Les thèmes abordés sont classiques : transmigration, causalité, connaissance, espace, arrêt des phénomènes mentaux… jusqu’au traité final sur la libération. Nous ne trouvons pas dans ce texte une grande métaphysique qui expliquerait le tout et le jeu des parties, mais une pragmatique qui permet de se libérer des phénomènes mentaux. Laurent Jouvet parle avec justesse de « miel pour la pratique » : « Plus qu’une pratique qui peut être très variée, il s’agit du regard intérieur que je porte sur mon fonctionnement mental ». Ce « miel » concerne « la relation corps-esprit », « l’état des lieux mentaux », « la confusion conscience-esprit », la libération » bien sûr et « le processus ».
« La conscience étant devenue consciente du fait qu’elle existe indépendamment des phénomènes mentaux, les phénomènes se résorbent dans leur source.
En fait, c’est l’état du mental non encore manifesté qui est libre de phénomènes. Sans phénomènes mentaux, mon esprit est dans l’état primordial, libre de toute pensée et de toute représentation. »
Laurent Jouvet réussit à nous conduire avec beaucoup de liberté et de simplicité dans la pédagogie de ce texte fondamental.
Source: La Lettre du Crocodile