Au seuil de l’aube

Le soufisme est l’une des plus belles et des plus abouties des nombreuses traditions qui fleurissent notre planète. Juliette Kempf et Abd el Hafid Benchouk viennent témoigner, à la première personne, de leur parcours au cœur de ce joyau de l’esprit qui se présente comme une île bienheureuse dans un océan agité de confusions.

Dans ce monde qui multiplie les contradictions et les double-contraintes, rendant le sens illisible, la rencontre des auteurs avec le soufisme fut salutaire.

« Il s’agit alors d’entendre la façon dont ce chemin me parle, en tant qu’homme, que femme de mon siècle ; de saisir profondément comment il répond aux réalités concrètes de mon âme, à mes aspirations, à mes problématiques. Un pont s’opère. Un pont se bâtit entre la parole d’un prophète, de poètes, de mystiques, de mille ans mes aînés, et ma vie, sensible, physique, d’aujourd’hui. Tous ces personnages, qui pouvaient me paraître si lointains, se mettent à vibrer comme des parties de moi-même, prenant une forme que je deviens capable de recevoir, parce qu’ils me sont présentés dans un enseignement vivant. J’avance alors dans la conscience et le respect de ma personne et de mon époque, nourri par une sagesse qui, elle, traverse les temps et ne cesse inlassablement, de tenter de me ramener au cœur de moi-même, près de l’Être. »

Quelques paroles du Prophète introduisent la pensée des auteurs, née de l’expérience et retournant à l’expérience. Jamais le quotidien n’est perdu de vue, à la fois comme matière de l’œuvre et comme lieu même de la réalisation spirituelle. C’est pourquoi la forme est « support de l’élévation spirituelle ».

« Ma quête spirituelle a rencontré une forme codifiée. Je découvre en la vivant que si cette forme est essentielle, c’est bien en sa capacité d’être support de sens, support de souffle. C’est alors que la pratique intérieure prend vie, et qu’elle devient, précisément, chemin vers une pratique intérieure. »

En faisant coïncider début et fin, intention et réalisation, le pratiquant s’affranchit de la forme tout en la respectant. C’est en l’instant même, dans l’absence de saisie que l’Esprit s’installe, réunissant tous les contraires.

La lecture de ce livre permet d’approcher un islam vivant, libre, totalement éloigné des formes figées et mortifères nées d’une lecture littéraliste ou aliénante du Coran. La poésie soufie, si riche, a une fonction à la fois de transmission et d’éveil au sens caché du Coran. Il est le véhicule d’une Sagesse, d’un chemin vers la non-dualité, vers l’essentiel, gradualiste ou subit, toujours lumineux.

C’est un livre empli des saveurs de l’expérience spirituelle, mais aussi de lucidité sur les aspérités déchirantes de ce monde. Il veut réorienter l’action vers la création, vers la possibilité permanente de la transformation bienfaisante, éclairée et éclairante.

« La Présence divine est permanente ; Elle ne dépend pas d’un lieu, d’un moment, d’une cause. En tant qu’humain, j’ai souvent besoin de conditions extérieures pour me mettre en disposition intérieure de La rencontrer, certains environnements m’inspirent davantage que d’autres. Mais Elle, est, de toute éternité. Deux temps, en quelque sorte, cohabitent en moi. Le temps du jour commun, de ma conscience habituelle, le temps linéaire et historique, peut-on dire ; et cet Instant, cette faille verticale dans laquelle je plonge, ou je monte, qui m’introduit à une autre qualité de présence et de perception, qui, précisément, ouvre. »

Ce livre est plein de la Beauté qui élève et libère. Il rapproche le lecteur de lui-même, de sa véritable nature, sans ostentation, par petites touches de lumières, en toute amitié spirituelle.

Source: La Lettre du Crocodile

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