Constant Chevillon (1880-1944) est décédé le 25 mars 1944, assassiné lâchement par la Milice du gouvernement de Vichy. Ce livre fut publié chez Derain, après son décès, en 1946, selon sa volonté.
Dans son avant-propos, Mme J.B. rappelle l’importance de l’enseignement délivré par Constant Chevillon :
« L’enseignement de C. Chevillon s’adressait aux hommes de désir spirituel. Jadis, ses fidèles disciples entendaient sa parole, ils attendaient ses écrits et les recevaient avec ferveur. Pour eux, il dévoilait un peu de la science qu’il possédait : c’est pour eux qu’il composa cette « Tradition universelle », car il voulait leur laisser les éléments de la révélation ésotérique, afin de fixer et compléter son Verbe. »
Constant Chevillon fut quelque peu oublié par le jeu des sociétés initiatiques dans la seconde partie du siècle dernier, pourtant il n’a cessé d’être étudié dans certains cercles, notamment martinistes. La réédition de ses travaux permet de saisir combien son enseignement s’extrait de son époque pour conduire à l’essentiel. Dans sa préface, il donne un avertissement à propos de la tension entre Tradition et sciences qui résonne particulièrement en ce début de millénaire. Remarquant notre tendance à la croyance au scientisme, il alerte :
« La science pourtant est constituée par une série d’hypothèses, par des doctrines dont les phénomènes, le plus souvent, se rient, car le monde est le champ de bataille de l’être et des êtres, non pas le théâtre des abstractions et, par conséquent, d’un ensemble de fantoches. Le monde c’est la vie qui est toujours concrète, c’est-à-dire synthétisée dans une conscience ou un instinct, dans une durée ou dans une éternité et non pas dans une mathématique quantitative ou d’intensité pure. La vie est une unité qui se disperse en actes et dont aucune algèbre ne peut donner la clef. Au bout des théories, il y a un phénomène ; derrière celui-ci, se cache une essence. »
Tout l’ouvrage oriente vers cette essence, vers l’Esprit. Constant Chevillon se garde de dresser un catalogue des expressions de la Tradition universelle. Il en cherche plutôt les fondements, les principes. Il est question d’entendement et non d’érudition. Cela passe par la réunion des opposés, science et religion, sagesse ou foi et raison…
« L’intériorité, dit Constant Chevillon, est le berceau de la foi ou, plutôt, le lit nuptial dans lequel la raison et la foi entrent en copulation pour engendrer le réel dans les issus profonds de la subjectivité. Dès lors, la contingence est résorbée d’une certaine manière et le moi devient le support inamovible de l’être véritable, quasi nécessaire et immortel. »
Douze chapitres constituent le propos dense et profond de ce livre : La Tradition Universelle – Vrai Visage et Miroir déformant – L’Homme – L’Esprit – La Personne et l’Individu – Métempsycose – Premières Conséquences – Progression – Essai Constructif – Droit et Devoir – Autorité et Pouvoir – Contrastes et Consonances ; Antinomies et Solutions.
La force du propos tient dans la capacité d’analyse et de traversée des contextes culturels, géographiques ou autres de Constant Chevillon afin de les prendre en compte pour mieux s’en dégager et saisir ce qui est essentiel, en soi et en ses conséquences concrètes. C’est « le vrai, le beau et le bien » dont il souhaite nous donner le pressentiment, le goût, en réduisant la distance intérieure qui nous en sépare. Sans craindre de descendre dans l’arène de la dialectique et de l’argumentation dualiste, il vient nous chercher dans le champ des contradictions et des identifications pour nous élever à notre véritable nature.
Cet homme fut davantage qu’un ésotériste. Il fut et reste un véritable penseur et un éveilleur.
Source: La Lettre du Crocodile