Homo Lapidibus, la passion des pierres

Anne de Jouvenel-Tugny est gemmologue, chargée d’enseignement à l’Institut National de Gemmologie. Elle a publié de nombreux travaux sur le sujet. La gemmologie est une science mais elle est aussi une passion pour les gemmologues comme pour tous les amoureux des pierres, grands amateurs qui consacrent une part de leur vie aux minéraux. A tel point que cette passion devient aisément irrationnelle, nous dit Anne de Jouvenel-Tugny. Les pierres précieuses nous conduisent dans les profondeurs des mythes, dans les dialogues entre visible et invisible, dans l’enchevêtrement des croyances et des désirs de richesses. « Elles sont, nous dit-elle, comme des livres que l’on ne peut ouvrir. » Elles témoignent du passé, de la permanence, sans livrer le témoignage.

Cette magie de la pierre qui nous attire et parfois conduit notre vie prend souvent naissance dans quelque expérience « irrésistible » à l’origine d’une passion, parfois d’une profession, voire d’un art.

« C’est bien entre les mains de l’homme que les pierres acquièrent leur magnificence car elles ne brillent pas naturellement. Il faut les tailler et les polir pour en faire ressortir la couleur et l’éclat. »

« La taille est ainsi en elle-même, une aventure qui nécessite beaucoup de réflexions avant d’être entreprise car chaque pierre a sa personnalité et mérite une attention particulière. »

Ces paroles font échos aux traditions du Compagnonnage. L’aventure en question est une quête incertaine de beauté et de lumière.

Anne de Jouvenel-Tugny aborde de très nombreux sujets comme les pierres maudites, les talismans, les rapports entre les pierres et le zodiaque, la santé par les pierres, la symbolique des couleurs, le privilège des hommes… Mais, si nous apprenons beaucoup à travers anecdotes ou faits historiques, très intéressant est le témoignage personnel qui nous est livré. Anne de Jouvenel-Tugny nous introduit dans l’intimité d’un gemmologue. Elle nous indique le cheminement qui conduit de la passion à la science, fait de rencontres, d’expériences, de recherches, de choix, parfois difficiles.

« J’avais entrepris mes études à la recherche de la vérité et j’avais imaginé que je pourrais en faire mon métier. Mais la gemmologie n’est pas un métier, c’est une connaissance que l’on peut exercer à travers les différents métiers de la pierre. L’expertise me paraissait idéale pour m’apporter l’indépendance qui m’est chère et me réserver des surprises possibles. »

Une grande partie de l’ouvrage aborde des questions très actuelles comme la place grandissante des pierres synthétiques, « la revanche des pierres fines », spinelle, topaze, grenat, améthyste et autres, ou, plus généralement le monde merveilleux et complexe des minéraux avec une attention particulière pour les calcédoines, « la plus importante famille de pierres du monde minéral ».

Outre certaines curiosités, parfois naturelles comme les étranges gogottes, Anne de Jouvenel-Tugny observe les rapports entretenus par les êtres humains avec les pierres. Ces relations sont civilisationnelles, chaque civilisation met en avant ses pierres sacrées. Cependant, tout être humain a une relation singulière avec les pierres, superficielle ou profonde. Anne de Jouvenel-Tugny s’intéresse notamment aux bijoux de famille ou aux pierres qui se retrouvent au cœur des intrigues de quelques écrivains.

Les pierres sont une matière privilégiée pour le symbolisme. Qui conduit parfois à un véritable culte. Mégalithes, pierres tombées du ciel, cailloux de la Lune… le culte des pierres ne cesse de se renouveler.

A travers les pierres, c’est de nous-mêmes qu’il est question, plus particulièrement, note Anne de Jouvenel-Tugny, de notre confrontation à ce choix, fondamental et sans cesse reposé, entre éternel et éphémère.

Source: La Lettre du Crocodile

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