Les Gnostiques

Voici un très beau livre d’esprit gnostique qui écarte l’érudition outrancière pour laisser la place à la connaissance.

En quelques lignes, il met en évidence la tension entre l’expérience initiale et les interprétations, sincères ou non :

« Cela dit, dès l’origine, les témoins n’eurent pas la même lecture de l’événement « Jésus ». Personne ne sait réellement ce qui s’est passé et le sens inouï de ses actes fut d’emblée recouvert par des interprétations conflictuelles. Jésus, lui, n’a rien écrit. Par son attitude, il nous incite à l’art du déchiffrage et nous rappelle que, pour une bonne part, le sens d’une parole est la création du récepteur. Et les différentes lectures de sa vie donnèrent lieu à une multitude d’écoles, sectes, courants du « christianisme ». Un brasier éblouissant, la réalité du Paraclet, fut d’emblée trahi par la lecture limitée des premiers témoins. A ce titre, tous les apôtres furent des Judas, de traîtres traducteurs. »

Les courants gnostiques qui émergent au cours des deux premiers siècles de notre ère ont cherché à ne pas se laisser enfermer dans des discours figés pour laisser vivre l’esprit de l’événement initial. Eric Vartzbed commence par rappeler les spécificités de ces courants, leur pessimisme, leur dimension subversive, leur méfiance envers l’histoire et la politique, leur attrait pour la connaissance plutôt que pour la foi… Il nous présente quelques grandes figures du gnosticisme comme Marcion, Simon, Basilide, Valentin, Mani, qui nous conduisent jusqu’aux cathares et aux troubadours.

Souvent exprimée de manière dualiste, l’investigation gnostique n’en vise pas moins la non-dualité, sa liberté et sa plénitude.

Ainsi, indique l’auteur, à partir de notre inachèvement et d’une conception tripartite de l’être humain, c’est le thème de la deuxième naissance qui se fait jour. Nous arrivons ici-bas avec un organisme et une vie psychique. La vie spirituelle, elle, en revanche, est un horizon. La première naissance relève d’un choix forcé ; la seconde, de notre relative liberté. La première est imposée ; la seconde, proposée. La gnose est une invitation à réaliser cette mutation, cette seconde naissance. »

Eric Vartzbed invite de nombreux témoins, parfois inattendus, pour éclairer sa propre démarche et approcher l’indicible, faire signe, laisser pressentir, sans jamais asséner une quelconque vérité, et terminer par une ouverture vers l’actualisation des traditions gnostiques :

« Concernant l’actualité, chacun lira les événements selon sa sensibilité, sa formation et ses rencontres. Et il n’y a pas lieu de s’engager dans un conflit d’interprétations. Mais il n’était peut-être pas inutile de rappeler qu’à côté d’un athéisme déprimant et du christianisme officiel, palpitent des courants peu connus. Nous reviennent alors en mémoire les paroles du dernier gnostique à périr sur le bûcher de l’Inquisition, qui, concernant sa religion, exprima en 1321 : « Le laurier est coupé, mais il reverdira au bout de 700 ans ». Soit en 2021 ! »

Source: La lettre du crocodile

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