L’essence de la plénitude

Vimala Thakar (1923-2009) est l’une des rares personnalités engagées dans une haute spiritualité à avoir réussi à associer action sociale et enseignement de la non-dualité. Alors qu’elle est fortement engagée dans le mouvement indien Bhoodan, lancé en 1951 par Vinobā (1895-1982), inspiré des thèses de Gandhi, elle rencontre Krishnamurti en 1956 qui lui fait comprendre qu’il ne saurait y avoir de révolution sociale sans révolution intérieure.

Le livre rassemble neuf conférences données à Ceylan en 1971 qui connaît alors un renouveau. Son discours est tout autant pertinent aujourd’hui qu’à l’époque :

« … je considère que le défi d’une révolution totale est le défi de base, que vous viviez dans l’Orient malnutri ou dans des pays opulents.

La misère culturelle de l’opulence est aussi frappante que la misère culturelle des pays sinistrés par la faim.

Alors, c’est en tant qu’être humain qui ne tient pas sur le piédestal de la spiritualité ou de la religion, mais plutôt comme un être humain sensible, qui se sent concerné, que je viens partager avec vous, par des mots autant que les mots le permettent, les constats et la compréhension qui me traversent et qui s’expriment à travers moi. Je ne pense pas que la compréhension de la vérité puisse être monopolisée par de personnes ou des institutions. Elle survient dans l’évolution de la conscience humaine.

Qu’il s’agisse de libération, d’illumination ou d’éveil, ils ne peuvent être accaparés par des individus, des sectes, des communautés, des pays ou des Etats. Ce sont seulement de simples événements. »

Vimala Thakar prône une « révolution totale ». Elle constate l’échec de l’engagement extérieur qui ne prend pas appui sur une clarification intérieure et les conséquences désastreuses d’un repli intérieur pour se consacrer à la spiritualité en délaissant le monde. « La priorité, dit-elle, est de conduire les êtres humains du statut de sous-humains à un niveau humainement décent. »

Elle propose de balayer les anciennes conceptions, de ne plus opposer intérieur et extérieur, individuel et collectif, de dépasser les oppositions dualistes pour mettre en œuvre une dimension de conscience nouvelle. C’est en abolissant les divisions en soi que les frontières extérieures entre les uns et les autres peuvent tomber. Elle remet à sa place, concept, langage, symbole, mental… pour en faire des outils à notre disposition et non des envahisseurs stériles.

Le plus étonnant dans l’approche de Vimala Thakar est sa capacité à relier nos conditionnements personnels aux dysfonctionnements sociétaux et économiques. Elle décortique les mécanismes de la violence et son impuissance à résoudre les problèmes. C’est par une recherche ni mentale ni cérébrale qu’elle invite à explorer de nouvelles voies. Il est question de se rassembler sans leader, sans guru, d’une poignée d’individus intrépides, réellement autonomes, décidés à œuvrer ensemble.

« Donc, dit-elle, la première exigence pour une révolution dans l’amour est d’avoir ces individus désireux de devenir leur propre lumière, et qui n’évolueront pas à l’aune des valeurs bourgeoises de la société, ni à leurs théories et leurs idées, les échecs et les réussites de leurs propres tentatives révolutionnaires.

Ils ne mesureront pas leurs échecs et leurs réussites par l’argent ou la respectabilité. Ce n’est pas important de réussir. Ce qui est important, c’est de porter un nouvel éclairage aux problèmes humains, d’y apporter une conscience non-duelle, une nouvelle qualité de perception, une nouvelle perspective. »

Pour prendre ce nouveau départ, Vimala Thakar fait confiance dans les nouvelles générations, ce qui rend encore plus actuels ses discours.

Source: La lettre du crocodile  

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