Les cagots. Derrière les fagots, le cagot

Witold Zaniewicki s’intéresse dans ce livre à un sujet qui suscite malheureusement peu de recherches. C’est à partir de documents que les différents textes de ce livre, rassemblés pour l’occasion, tentent de mieux comprendre un phénomène à la fois social, politique, religieux et médical.

La question des cagots relève en effet du phénomène de castes et du sujet des « noblesses populaires ».

« Cette noblesse, indique Witold Zaniewicki, est celle de familles qui appartiennent aux plus humbles classes de la société et qui forment en certains endroits (en Pologne de l’Est, en Espagne) des densités énormes, allant jusqu’à cent pour cent de la population au Guipúzcoa et dans la Montaña de Santander, où tout le monde est hidalgo.

Cette hidalguía, due à la « limpieza de sangre » et à la qualité de « viejo cristiano », ignore la dérogeance, pratique tous les métiers, sauf les métiers du sang, réservés aux hors-castes. Car c’est bien de castes qu’il s’agit, la lecture sociale ne tenant pas compte des données économiques. »

Les cagots sont ainsi considérés impurs, souvent associés aux lépreux dont ils seraient des descendants supposés ou aux hérétiques. En réalité, nous ignorons vraiment l’origine des cagots même si plusieurs hypothèses ont été avancées, ethniques, médicales ou religieuses. Ils pratiquent des métiers du bois, charpentiers, menuisiers, bûcherons et sont exclus de la société. Ils sont rassemblés dans des quartiers ou des hameaux, séparés du reste de la population.

Ils sont surtout localisés dans le sud-ouest de la France, en Pays Basque Sud et en Navarre, mais nous les rencontrons aussi par exemple en Bretagne ou dans l’Allier. S’ils sont mentionnés depuis le XIème siècle, c’est surtout au XVIIIème siècle que les sources se font nombreuses. Nous les retrouvons sous différents termes : chrétiens, chiens goths, caqueux, galeux, « courtes oreilles », « pelés », etc. Ils sont associés dans l’imaginaire à l’empoisonnement des fontaines, la transmission des maladies. On les qualifie de magiciens ou de sorciers. Bien que rejetés, leurs qualifications comme artisans leur permettent de prospérer et leurs sociétés annoncent le compagnonnage du bois. Des chemins leurs sont réservés, des entrées discrètes à l’Eglise et nombre d’interdictions régissent leur vie quotidienne. Ce statut d’intouchable a quelques avantages : pas d’impôts, pas de service militaire, par exemple. C’est sans doute pour leur faire payer des impôts que l’Ancien Régime fit progressivement des cagots des citoyens à part entière. Cependant, note Witold Zaniewicki, des résistances « à l’assimilation des cagots et les barrières subsistent, par endroits, jusqu’à la Première Guerre Mondiale ».

Les discriminations envers les cagots sont multiples, basées sur des croyances ou des superstitions de toute sorte à propos de leur origine, de leur mode de vie comme de leur physique. Des médecins contribuent largement au développement de ces rejets parlant même de « cagotisme ».

« Ainsi, alerte Witold Zaniewicki, le clivage des castes basés sur une séparation entre le pur et l’impur se traduit par des critères de santé et de maladie héréditaires. Si l’aspect clinique échappe au médecin, le théologien sait en reconnaître les indices et le peuple des « sains » exprimer en aberrations les caractéristiques physiques et psychologiques d’une race considérée comme maudite. Il en a été en d’autres lieux de même des Juifs, des Maures ou des Tziganes. »

L’une des parties les plus intéressantes de l’ouvrage réside dans les liens entre cagots et compagnonnage, liens qui passent par la compréhension de « la futuwwa ou le pacte chevaleresque des artisans impurs », « le travail du bois des cagots intouchables » et « l’initiation de la patte d’oie », tout ceci conduisant à évoquer les gavots, compagnons menuisiers des Devoirs de Liberté. Bien d’autres aspects des mystères des cagots sont approchés par Witold Zaniewicki dans ce petit livre à ne pas manquer.

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